Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 17
Le mardi 23 septembre 2025
L’honorable Raymonde Gagné, Présidente
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- Le décès de l’honorable Ken Dryden, c.p., O.C.
- Le drapeau franco-ontarien
- Visiteurs à la tribune
- La Journée de l’armée sur la Colline
- Visiteur à la tribune
- Édith Butler, O.C, C.Q., O.N.-B.
- Le décès de Raymond Fraser, O.N.-B.
- Visiteur à la tribune
- Le décès de l’honorable Donald H. Oliver, C.M., c.r., O.N.S.
- Visiteurs à la tribune
- AFFAIRES COURANTES
- Le Sénat
- Le Code criminel
- Projet de loi sur le cadre national sur les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale
- Finances nationales
- Agriculture et forêts
- Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les questions concernant l’agriculture et les forêts
- Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le problème grandissant des feux de forêt et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus durant la première session de la quarante-quatrième législature
- L’étude sur l’état de la santé des sols—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la réponse du gouvernement au treizième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la session précédente
- Audit et surveillance
- Transports et communications
- Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les services locaux fournis par CBC/Radio-Canada et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la première session de la quarante-quatrième législature
- Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le vol de fils de cuivre et ses impacts sur le secteur des télécommunications et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la première session de la quarante-quatrième législature
- Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les questions concernant le transport et les communications en général
- Les travaux du Sénat
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
LE SÉNAT
Le mardi 23 septembre 2025
La séance est ouverte à 14 heures, la Présidente étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat, je demande :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement ou tout ordre antérieur, pour la séance d’aujourd’hui, les déclarations de sénateurs soient prolongées d’au plus trois minutes.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
Le décès de l’honorable Ken Dryden, c.p., O.C.
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui au nom du bureau du représentant du gouvernement pour rendre hommage à l’honorable Ken Dryden, qui est décédé plus tôt ce mois-ci.
Ken Dryden a mené une vie exemplaire. Certains d’entre nous ont grandi en rêvant de brandir la coupe Stanley au-dessus de leur tête. D’autres ont grandi en rêvant de voir leurs écrits être publiés un jour. D’autres encore ont grandi en rêvant d’aider leurs voisins et de se consacrer à améliorer leur pays en se dévouant au service public. Ken Dryden a non seulement accompli toutes ces choses, mais a aussi vraiment incarné ce que signifie être un Canadien exceptionnel.
[Français]
En tant que jeune adepte de hockey, Ken Dryden nous a offert plus que des rêves. Il nous a rendus fiers d’être Québécois.
Ken Dryden a gardé les buts à Montréal et il a soulevé la coupe durant les années 70, au Québec. Le sport a toujours été une affaire politique, d’autant plus qu’au Québec, justement, Ken Dryden, qui était un anglophone de l’Ontario, s’efforçait d’apprendre le français et de le parler avec ses coéquipiers et avec les journalistes. Il s’est ouvert à la culture du Québec et aux amateurs de sport.
C’est sur cette fondation de fierté québécoise que Ken Dryden a érigé la suite de son œuvre. Se tenant stoïquement dans les buts face à l’Union soviétique durant la Série du siècle, il nous a tous rendus fiers d’être Canadiens.
Son dévouement au Canada s’est étendu à son service public, au travers duquel il a tracé le chemin vers des services à la petite enfance abordables et accessibles à toutes et à tous, ainsi que vers la santé et la sécurité des jeunes athlètes du pays.
M. Dryden aura soulevé la coupe et le flambeau du dévouement aux autres. Ce flambeau, il nous le tend maintenant pour poursuivre son œuvre.
Au nom du bureau du représentant du gouvernement et du fond de mon cœur, je tiens à offrir mes condoléances à la famille et aux proches de Ken Dryden.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Des voix : Bravo!
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, comme beaucoup de Canadiens, en particulier ceux qui ont grandi à Montréal, j’ai été profondément attristé par la mort de Ken Dryden. Pour nous, il n’était pas seulement un joueur de hockey : Ken Dryden a été une figure marquante, au sens propre comme au sens figuré, de l’âge d’or des Canadiens de Montréal.
Je me rappelle que pendant mon enfance à Montréal, je regardais Ken Dryden qui gardait le filet au vieux Forum de Montréal avec une attitude sans équivoque : il était calme, droit et inébranlable. Ken Dryden faisait croire aux gens que tout était possible et que, peu importe à quel point l’adversaire était coriace, nous avions une chance de gagner parce qu’il gardait le filet.
Il était l’épine dorsale d’une équipe qui a remporté six coupes Stanley pour notre ville en huit ans, mais surtout, il représentait quelque chose de plus grand : c’était le gardien de but des partisans intellectuels, un diplômé de la Faculté de droit de Cornell, un boursier de la fondation Rhodes, l’auteur du livre à succès The Game, qui est non seulement l’un des meilleurs livres jamais écrits sur le hockey, mais aussi une œuvre qui a donné aux partisans une idée de ce qui se passe dans la tête d’un athlète qui interagit étroitement avec le monde qui l’entoure. Surtout, c’était un homme qui avait cessé de jouer au hockey alors qu’il était au sommet de son art — non pas à cause d’une blessure ou d’une défaite, mais pour poser des questions complexes au sujet de la vie, de sa raison d’être et du service public. Plus tard, il a apporté cette détermination réfléchie à la Chambre des communes.
En tant que député et ministre du Développement social, Ken Dryden a défendu sans relâche les familles et les enfants canadiens. Il croyait au pouvoir d’une bonne politique publique qui améliorerait le sort des gens, et il s’est efforcé d’élever la conversation nationale et d’inspirer la compassion.
Ken Dryden n’est peut-être pas né à Montréal, mais il est devenu Montréalais à tous les égards. Il s’est inséré dans le tissu social de notre ville et de notre pays. Il nous a donné des souvenirs qui resteront à jamais gravés dans notre mémoire. Je ne parle pas seulement des arrêts et des championnats, mais aussi de la façon dont il a pratiqué son sport, avec calme, intelligence et respect. Il était le héros de beaucoup de gens et un modèle pour tous. Son décès se fait sentir partout au Canada, en particulier dans ma ville, Montréal, où son héritage se perpétue à travers tous les jeunes partisans qui arborent un chandail du Canadien et qui rêvent de grandeur.
Nous offrons nos plus sincères condoléances à sa famille, à ses coéquipiers et à toutes les personnes qu’il a inspirées dans notre grand pays. À Ken Dryden, nous disons : merci. Reposez en paix, numéro 29.
Minute de silence
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, veuillez vous joindre à moi pour observer une minute de silence à la mémoire de l’honorable Ken Dryden, c.p., O.C.
(Les honorables sénateurs observent une minute de silence.)
[Français]
Le drapeau franco-ontarien
Le cinquantième anniversaire
L’honorable Lucie Moncion : Honorables sénateurs, hissé pour la première fois sur le site de l’Université de Sudbury le 25 septembre 1975, le drapeau franco-ontarien célébrera ses 50 ans ce jeudi.
Notre drapeau représente l’âme, les valeurs et l’identité des Franco-Ontariennes et des Franco-Ontariens. Il exprime notre histoire, notre culture et nos aspirations. Il est un symbole d’unité et de fierté. Le vert et le blanc symbolisent l’été et l’hiver, la diversité du climat ontarien. La fleur de lys rappelle notre appartenance à la francophonie mondiale. Le trille est la fleur emblème officielle de l’Ontario, symbole de notre présence et de notre appartenance.
Notre drapeau a été reconnu comme emblème officiel de la communauté franco-ontarienne par la province en 2001 et depuis le 24 septembre 2020, il est un emblème officiel de l’Ontario.
Brian St-Pierre, auteur-compositeur-interprète, musicien et directeur musical franco-ontarien, a mis en chanson l’expression sonore de notre identité francophone. Je le cite :
Notre Drapeau.
Ils ont fait souche dans ce pays blanc.
Ils ont su donner tellement d’enfants.
Qui, une fois devenus grands ont résisté aux conquérants.
Je te chante, mon beau drapeau, des Français de l’Ontario.
Je te lève, brandi bien haut, pour que vous voyiez bien.
Je suis franco-ontarien!
Fidèles à leur passé lointain, parlant la langue des Anciens.
Fiers d’être venus et d’être restés, d’être encore là après tant d’années.
Levons-le ce beau drapeau.
Hissons-le toujours plus haut, plus haut.
Aujourd’hui pour demain nous sommes franco-ontariens!
(1410)
L’Acadie a son 15 août, le Québec son 24 juin et l’Ontario son 25 septembre. Je rêve du jour où, dans chacune des provinces et chacun des territoires de notre pays, on célébrera la langue française et sa grande contribution à la belle diversité de notre pays.
Pour tous celles et ceux qui ont leur francophonie tatouée sur le cœur : bonne journée franco!
[Traduction]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune du lieutenant-général Michael Wright, commandant de l’armée canadienne, et du lieutenant-général (à la retraite) Guy Thibault, président de la Conférence des associations de la défense. Ils sont accompagnés d’autres hauts dirigeants de l’armée canadienne à l’occasion de la Journée de l’armée sur la Colline. Ils sont les invités des honorables sénateurs Patterson, Henkel et Ince.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Journée de l’armée sur la Colline
L’honorable Danièle Henkel : Honorables sénateurs, je suis ravie de prendre la parole aujourd’hui pour souligner la Journée de l’armée sur la Colline. J’aimerais mentionner la sénatrice Patterson et le sénateur Ince, car je sais qu’ils partagent la gratitude et le respect que j’ai à l’égard de nos concitoyens qui portent l’uniforme au service de notre pays.
[Français]
Cette journée nous rappelle que, derrière chaque uniforme, il y a des femmes et des hommes qui incarnent le courage, la discipline et l’esprit de service. Toutefois, derrière chaque soldat, il y a aussi une famille qui partage le fardeau du service et accepte en silence les sacrifices du quotidien. À celles et ceux qui sont tombés dans l’exercice de leurs fonctions, aux blessés, à leurs proches et à leurs frères et sœurs d’armes, nous devons dire merci et rappeler que leur engagement est inestimable, et qu’il nous oblige.
Le gouvernement veut une armée forte et prête. Cela exige d’urgence une modification du système d’approvisionnement. Qu’il s’agisse de la Force régulière, des Rangers ou de la Réserve, toutes ces composantes mettent leurs compétences de pointe au service de la défense de notre territoire et de la protection de notre souveraineté. Elles interviennent au cœur de nos communautés, en appui aux autorités civiles lors de catastrophes naturelles et en situation d’urgence, mais aussi à l’étranger, sur les théâtres d’opérations, où elles honorent la parole et les engagements du Canada auprès de nos alliés.
Permettez-moi, à titre de lieutenante-colonelle honoraire du Régiment de Maisonneuve, de dire quelques mots en particulier au sujet de la Réserve. Souvent méconnus et peu valorisés, les réservistes sont un trait d’union vivant entre la société civile et les forces armées.
Ils sont enseignants, ingénieurs, entrepreneurs, infirmiers, et cetera, et ils choisissent de donner une part d’eux-mêmes au pays, au-delà de leurs carrières et de leurs familles. Dans un contexte de défis croissants en matière de sécurité et de difficultés de recrutement, leur rôle est stratégique.
[Traduction]
L’armée canadienne nous offre non seulement une force protectrice, mais elle est aussi une force de cohésion nationale. Nos forces armées assurent notre stabilité par leur présence et elles sont une source de grande fierté.
À tous les membres des Forces armées canadiennes, entendez-moi bien : nous vous voyons, nous vous entendons et nous vous sommes profondément reconnaissants.
Honorables collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour reconnaître l’apport de nos concitoyens en uniforme à leur juste valeur. Merci.
Des voix : Bravo!
[Français]
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune d’Édith Butler. Elle est l’invitée de l’honorable sénateur Aucoin.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Édith Butler, O.C, C.Q., O.N.-B.
Félicitations à la récipiendaire de l’Ordre de la Pléiade
L’honorable Réjean Aucoin : Honorables sénateurs, c’est avec beaucoup d’émotion et une grande fierté que je prends la parole pour souligner l’incroyable parcours d’une femme qui a marqué l’histoire de l’Acadie et de la francophonie : notre Édith Butler nationale.
Originaire de Paquetville, au Nouveau-Brunswick, Édith est bien plus qu’une chanteuse à succès. Elle est une conteuse, une ambassadrice, une femme de cœur qui, depuis plus de 50 ans, porte nos chansons traditionnelles, nos histoires et notre accent jusqu’aux coins les plus reculés du pays et partout dans le monde.
Je vais vous raconter une amusante anecdote. Lors d’un festival en 1971, Édith aperçoit dans la foule un homme en complet dont l’apparence tranchait avec les jeunes assis dans l’herbe. Après le spectacle, elle découvre qu’il s’agit du premier ministre du Nouveau-Brunswick, Richard Bennett Hatfield, qui était venu l’écouter incognito.
Quand on lui demanda s’il était son « chum », elle répondit en riant : « Non, c’est le premier ministre du Nouveau-Brunswick! » — ce que personne ne voulut croire. Cette scène résume bien Édith Butler : une artiste qui, par son humour et sa simplicité, a toujours su rapprocher les gens, peu importe leur rang.
Bien sûr, Édith a déjà reçu bien des honneurs — Officière et Compagnon de l’Ordre du Canada, membre de l’Ordre du Nouveau-Brunswick et j’en passe —, mais aujourd’hui, une distinction bien spéciale vient s’y ajouter : elle sera reçue Commandeur de l’Ordre de la Pléiade.
Ce grade, l’un des plus élevés de cette distinction internationale, est remis à celles et ceux qui se sont engagés de façon exceptionnelle pour la francophonie. Qui mieux qu’Édith peut incarner cet esprit? Depuis ses débuts, elle chante notre langue, notre culture et notre fierté avec authenticité et générosité.
En tant que sénateur acadien, c’est pour moi un immense honneur de voir une figure aussi marquante de notre communauté recevoir cette distinction. Édith Butler incarne à merveille ce que l’Ordre de la Pléiade représente : le service à la francophonie, la défense de nos valeurs et la transmission de notre héritage culturel, y compris nos chansons.
Lors d’une entrevue à Radio-Canada, elle a déclaré que c’est lorsqu’elle a chanté a capella à Paris la chanson traditionnelle acadienne Un pommier doux que sa carrière a pris son envol.
Elle avait été répertoriée dans mon village natal de Chéticamp.
Au nom des Acadiens et Acadiennes et de tous ceux et celles qui ont à cœur la langue française et nos chansons traditionnelles : merci, Édith. Merci pour ton engagement, pour ton amour de notre culture et pour la joie que tu as semée partout où tu es passée.
Édith sera au salon des sénateurs et sénatrices tout de suite après les déclarations. Venez lui serrer la pince.
Félicitations à notre Édith Butler nationale et vive l’Acadie!
[Traduction]
Le décès de Raymond Fraser, O.N.-B.
L’honorable David Richards : Honorables sénateurs, je rends aujourd’hui hommage à mon ami, feu Ray Fraser, du Nouveau-Brunswick.
Ray Fraser était un poète, un romancier, un écrivain et un éditeur. Il a publié quatorze œuvres de fiction, trois ouvrages généraux et huit recueils de poésie.
(1420)
Né en 1941 à Chatham, au Nouveau-Brunswick, il est décédé à Fredericton en 2018 à l’âge de 77 ans. Il a grandi à Chatham en pleine après-guerre, dans un contexte qu’il faut qualifier de contexte de pauvreté. C’était un étudiant hors pair et un athlète exceptionnel qui jouait à la fois au baseball et au hockey. Après avoir obtenu un diplôme de l’Université St. Thomas, il a abandonné l’enseignement pour se consacrer à l’écriture et il s’est voué à son art et à son métier pendant les 50 années suivantes, sans compromis.
La vie d’écrivain n’a rien de facile — ce n’est évidemment rien de nouveau —, mais chaque fois qu’il en est question, on apprend quelque chose d’original et de personnel sur le courage et la ténacité des êtres humains, ce qui est, en soi, une source d’inspiration. C’est un drame parfois dur, parfois solitaire, qui se déroule sur des décennies et qui pourtant, à y réfléchir, offre de véritables moments de grâce et d’émerveillement.
Ray Fraser a vécu à Montréal pendant des années et il avait pour amis des gens comme Irving Layton, Louis Dudek et Leonard Cohen. Pour subvenir à ses besoins, il a écrit des chroniques pour des journaux, il a cofondé le magazine Intercourse et il a rédigé des articles pour le Star Weekly et d’autres journaux nationaux. Néanmoins, la poésie et la fiction étaient ses véritables passions premières.
J’avais 17 ans lorsque je l’ai rencontré. Il a été le premier véritable écrivain professionnel que j’ai connu. Les premiers poèmes que j’ai lus d’un écrivain canadien, à part ceux d’Irving Layton, étaient ceux de Ray Fraser. Certaines des premières histoires canadiennes que j’ai lues, à part celles de Farley Mowat, étaient celles de Ray Fraser. Il a pris le temps de faire découvrir au jeune de 17 ans que j’étais les œuvres de tous les grands poètes du Canada.
C’était un comique et un gentil farceur qui affichait un sourire aimant et bienveillant pour presque tous ceux qu’il rencontrait. Je me souviens que lorsque Peg et moi étions fauchés à Londres il n’a pas hésité à nous donner de l’argent, même si lui et son épouse Sharon n’en avaient probablement pas beaucoup eux-mêmes.
Il était membre fondateur, avec Alden Nowlan, de la Flat Earth Society et membre de la Stuart Monarchy in Exile, deux fondations dont l’importance dépassait largement leur caractère ludique.
Son livre d’histoires The Black Horse Tavern est un classique canadien, de même que son roman The Struggle Outside et sa biographie du regretté champion boxeur poids mi-lourd Yvon Durelle, intitulée The Fighting Fisherman.
Néanmoins, c’est dans ses poèmes réfléchis, introspectifs et parfois spirituels qu’il a, selon moi, atteint l’apogée de son talent. Certaines de ses meilleures œuvres ont été écrites pendant les années où il vivait dans une petite maison au bout d’une route solitaire à Black River Bridge, au Nouveau-Brunswick. Là-bas, il cultivait un jardin et coupait son propre bois pour l’hiver.
Il a déjà été finaliste pour le Prix du Gouverneur général. Il a reçu l’Ordre du Nouveau-Brunswick, le Prix du lieutenant-gouverneur pour la littérature en anglais et une médaille du Sénat.
Il appartenait à cette catégorie d’écrivains courageux et intransigeants, si rares aujourd’hui, dont faisaient partie Kerouac et Bukowski. C’est vraiment une belle place à occuper.
Cependant, à l’instar de tous les véritables écrivains, tels Hemingway ou Fitzgerald, il a consacré toute sa vie à son œuvre, souvent comme un devoir, sans se plaindre.
Il est resté fidèle à ses convictions jusqu’à la fin. Il est décédé en 2018. C’était mon ami. Merci.
Des voix : Bravo!
Visiteur à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Jennifer Ladipo, fondatrice et présidente-directrice générale de TheSTEMGirl. Elle est l’invitée de l’honorable sénatrice Sorensen.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
Le décès de l’honorable Donald H. Oliver, C.M., c.r., O.N.S.
L’honorable Rosemary Moodie : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui en tant que présidente du Groupe canado-africain du Sénat, ou GCAS, pour rendre hommage à un Canadien remarquable, l’ancien sénateur Donald Oliver.
Lorsqu’il a pris sa retraite, en 2013, il a écrit ceci dans son dernier bulletin d’information :
J’ai grandi à Wolfville, en Nouvelle-Écosse, dans les années 1940 et 1950. À l’époque, je n’aurais jamais cru — même dans mes rêves les plus fous — que le jeune Noir issu d’une famille pauvre que j’étais alors deviendrait un jour sénateur!
Cet homme aux origines modestes a pourtant changé le visage du pays.
Bien avant sa nomination, l’honorable Donald Oliver avait déjà commencé à apporter du changement dans sa province et dans son pays. En tant que jeune étudiant en droit, il a contribué à l’élaboration de dispositions législatives qui ont été intégrées à la Loi sur les droits de la personne de la Nouvelle-Écosse. Il a par la suite cofondé le Black Cultural Centre de la Nouvelle-Écosse, un espace permanent où on raconte l’histoire des Néo-Écossais d’origine africaine.
En 1990, il est passé à l’histoire en devenant le premier homme noir à être nommé au Sénat du Canada. En 23 ans, il a prononcé plus d’un millier de discours, présidé nombre de comités et occupé les fonctions de Président intérimaire. Dès ses premiers jours au Sénat, il a attiré l’attention sur l’absence de personnel noir et racisé sur la Colline du Parlement et dans la haute fonction publique, et il a exigé que des mesures soient prises à cet égard. Sa persévérance a forcé les dirigeants à reconnaître ce déséquilibre et a mené à de nouveaux engagements et à un changement d’approche durable à l’égard de la diversité dans la fonction publique.
L’influence de l’ancien sénateur Oliver dépassait nos frontières. Son rapport novateur sur les avantages de la diversité, rédigé en collaboration avec le Conference Board du Canada, est devenu une référence pour les dirigeants du monde entier. Nous avons appris dans ses mémoires que, lorsqu’il a coprésidé un comité mixte sur un code de conduite parlementaire, le code qui en a résulté a été si bien accueilli que le Parlement polonais l’a adopté avant même que le Canada le fasse, ce qui témoigne de manière extraordinaire de la portée mondiale de son travail.
Honorables sénateurs, en tant que sénatrice noire et présidente du Groupe canado-africain du Sénat, je sais que je marche dans la voie qu’il a tracée. Mes collègues du Groupe canado-africain du Sénat et moi-même poursuivons son combat contre le racisme systémique et sommes fortifiés par l’exemple qu’il nous a laissé.
Tout au long de sa vie et de sa carrière, l’honorable Donald Oliver a été un porte-parole de confiance pour la justice et un modèle d’intégrité. Il a montré au Canada que la diversité est une force et non un fardeau. Grand sénateur, grand Canadien et véritable pionnier, il laisse derrière lui un héritage qui se perpétuera longtemps. Merci.
Des voix : Bravo!
[Français]
Visiteurs à la tribune
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Karl Blackburn, président sortant du Conseil du patronat du Québec, et d’Agnes Mbome Moume, cofondatrice de la Fondation Afromonde. Ils sont les invités de l’honorable sénatrice Gerba.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
AFFAIRES COURANTES
Le Sénat
Préavis de motion tendant à considérer le représentant du gouvernement et jusqu’à quatre sénateurs comme étant un groupe parlementaire reconnu pour le reste de la présente session
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, pour le reste de la présente session le représentant du gouvernement et jusqu’à quatre sénateurs additionnels qui acceptent d’être désignés comme travaillant avec lui à des fins parlementaires, et qui ne sont pas membre d’un parti reconnu ou d’un autre groupe parlementaire reconnu, soient considérés, à toutes fins, comme étant un groupe parlementaire reconnu tel que défini dans le Règlement.
[Français]
Le Code criminel
Projet de loi modificatif—Première lecture
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) dépose le projet de loi S-233, Loi modifiant le Code criminel (voies de fait contre une personne qui fournit des services de santé ou un premier répondant).
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Housakos, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
(1430)
[Traduction]
Projet de loi sur le cadre national sur les troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale
Première lecture
L’honorable Mohamed-Iqbal Ravalia dépose le projet de loi S-234, Loi concernant un cadre national sur les troubles du spectre de l’alcoolisation foetale.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Ravalia, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Français]
Finances nationales
Autorisation au comité d’étudier toute question concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général et d’autres questions financières
L’honorable Claude Carignan : Honorables sénateurs, avec le consentement du Sénat et nonobstant l’article 5-5a) du Règlement, je propose :
Que le Comité sénatorial permanent des finances nationales, conformément à l’article 12-7(7) du Règlement, soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, toute question concernant les prévisions budgétaires du gouvernement en général et d’autres questions financières;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 22 septembre 2029 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Son Honneur la Présidente : Le consentement est-il accordé, honorables sénateurs?
Des voix : D’accord.
Son Honneur la Présidente : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
Agriculture et forêts
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les questions concernant l’agriculture et les forêts
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, conformément à l’article 12-7(12) du Règlement, soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions qui pourraient survenir occasionnellement concernant l’agriculture et les forêts;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le problème grandissant des feux de forêt et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus durant la première session de la quarante-quatrième législature
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, le problème grandissant des feux de forêt au Canada et les effets que les feux de forêt ont sur les industries de la foresterie et de l’agriculture, ainsi que sur les communautés rurales et autochtones, à l’échelle du pays;
Que le comité se penche en particulier sur les aspects suivants :
a)l’état actuel des feux de forêt au Canada;
b)l’incidence des feux de forêt sur la foresterie, l’agriculture, les réseaux d’alimentation en eau, la qualité de l’air, la sécurité alimentaire et la biosécurité;
c)les mesures fédérales possibles qui sont en place, ou qui devraient être en place, pour surveiller et organiser adéquatement l’intervention face aux feux de forêt;
d)les éléments de ces mesures fédérales qu’il serait possible d’améliorer pour intervenir face aux feux de forêt;
e)les pratiques exemplaires internationales liées à l’intervention face aux feux de forêt;
Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet au cours de la première session de la quarante-quatrième législature soient renvoyés au comité;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 25 juin 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.
L’étude sur l’état de la santé des sols—Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier la réponse du gouvernement au treizième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la session précédente
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, la réponse du gouvernement, datée du 5 novembre 2024, au treizième rapport du Comité sénatorial permanent de l’agriculture et des forêts, intitulé Terrain critique : Pourquoi le sol est essentiel à la santé économique, environnementale, humaine, et sociale du Canada, déposé auprès de la greffière du Sénat le 6 juin 2024, durant la première session de la quarante-quatrième législature;
Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité sur ce sujet au cours de la première session de la quarante-quatrième législature soient renvoyés au comité;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final.
Audit et surveillance
Prévis de motion tendant à renvoyer au comité les documents reçus et les témoignages entendus depuis le début de la deuxième session de la quarante-troisième législature et par les autorités intersessionnelles
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le Comité permanent de l’audit et de la surveillance depuis le début de la deuxième session de la quarante-troisième législature et par les autorités intersessionnelles suivantes soient renvoyés au Comité permanent de l’audit et de la surveillance.
Transports et communications
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les services locaux fournis par CBC/Radio-Canada et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la première session de la quarante-quatrième législature
L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, les services locaux fournis par CBC/Radio-Canada;
Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications au cours de la première session de la quarante-quatrième législature dans le cadre de son étude des questions concernant les transports et les communications en général soient renvoyés au comité;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 26 juin 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le vol de fils de cuivre et ses impacts sur le secteur des télécommunications et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus pendant la première session de la quarante-quatrième législature
L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications soit autorisé à étudier, afin d’en faire rapport, l’incidence du vol de fils de cuivre dans le secteur des télécommunications au Canada;
Que les documents reçus, les témoignages entendus et les travaux accomplis par le Comité sénatorial permanent des transports et des communications au cours de la première session de la quarante-quatrième législature dans le cadre de son étude des questions concernant les transports et les communications en général soient renvoyés au comité;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 26 juin 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.
(1440)
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier les questions concernant le transport et les communications en général
L’honorable Larry W. Smith : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, conformément à l’article 12-7(8) du Règlement, soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, les questions concernant les transports et les communications en général;
Que le comité soumettre son rapport final au Sénat au plus tard le 15 octobre 2029.
Les travaux du Sénat
Son Honneur la Présidente : Honorables sénateurs, avant de procéder à la période des questions, je tiens à vous rappeler que, conformément à l’ordre adopté le 4 juin 2025, lors de la période des questions, les questions principales et les réponses sont limitées à une minute chacune, suivies d’un maximum d’une question supplémentaire par question principale, ces questions et réponses supplémentaires étant limitées à 30 secondes chacune. Dans tous ces cas, le greffier lecteur se lève 10 secondes avant l’échéance de ces délais.
PÉRIODE DES QUESTIONS
La défense nationale
La souveraineté dans l’Arctique
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Sénateur Moreau, félicitations pour vos nouvelles fonctions. L’opposition ici au Sénat se réjouit de travailler avec vous.
Cela dit, je passe à ma question. Monsieur le leader du gouvernement, selon un reportage de la CBC hier, Transports Canada a discrètement réduit le nombre de vols de surveillance aérienne au-dessus de l’Arctique cet été, alors même que la Chine et la Russie multiplient leurs incursions dans le Nord et que le gouvernement ne cesse de répéter l’importance de la sécurité dans l’Arctique. Si le gouvernement n’est même pas capable d’assurer le bon fonctionnement de trois avions de patrouille à turbopropulseurs dans la région, comment les Canadiens peuvent-ils être sûrs que les 9 milliards de dollars supplémentaires consacrés à la défense ne seront pas gaspillés dans des processus d’approvisionnement tronqués, alors que nos forces continuent de lutter pour maintenir les opérations de base dans le Nord?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je pense que le gouvernement est bien conscient de l’importance d’assurer la sécurité de toutes les frontières du Canada, y compris dans le Nord du pays. Le gouvernement est déterminé à assurer la sécurité de tous les Canadiens, et il tiendra compte des besoins à satisfaire pour assurer la sécurité du Canada dans toutes les régions du pays.
Le sénateur Housakos : Sénateur Moreau, pendant que les Russes et les Chinois utilisent des brise-glaces et font des percées dans le Nord du pays, nous avons appris que Transports Canada a un contrat en vigueur avec une entreprise israélienne pour des drones de surveillance dans l’Arctique. À l’origine, la livraison était prévue en 2022, mais aucun drone n’a encore été livré. Pourquoi ce programme a-t-il été retardé? Le gouvernement place-t-il sa politique moralisatrice au Moyen-Orient au-dessus de l’importante politique du Canada en matière de souveraineté et de sécurité dans l’Arctique?
Le sénateur Moreau : Le gouvernement prend très au sérieux toutes les questions de sécurité. Par exemple, le littoral du Canada est l’un des plus longs au monde, et il doit le défendre. C’est pourquoi le gouvernement acquiert jusqu’à 12 sous-marins à propulsion classique capables de naviguer sous la glace. Il en va de même pour les brise-glaces. Nous avons hâte qu’ils arrivent. Le gouvernement a annoncé un investissement massif dans les forces armées pour que nous ayons tous les outils dont nous avons besoin pour assurer la sécurité au Canada.
[Français]
La justice
La nomination des juges
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, félicitations pour votre nomination. Ce sont de grands souliers à chausser. Nous sommes quelques-uns à l’avoir fait. C’est un rôle extrêmement important.
Votre longue carrière de juriste et votre expérience au sein du gouvernement qui a institué une commission d’enquête sur la nomination des juges devraient vous aider à répondre à cette question.
En janvier 2025, l’ancien premier ministre a nommé l’avocat Robert Leckey juge à la Cour supérieure du Québec. Pourtant, contrairement aux règles habituelles, le juge Leckey n’était pas membre du Barreau du Québec pendant 10 ans comme le prévoit la Loi sur les juges et la Constitution, mais pendant seulement sept ans. Robert Leckey a été un prolifique donateur du Parti libéral du Canada, a pourfendu avec insistance le projet de loi 21 sur la laïcité et le projet de loi 96 sur le français, deux projets de loi québécois.
Comment votre gouvernement peut-il justifier cette nomination qui s’apparente surtout au bon vieux principe de copinage?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je pense qu’il est important de rappeler que la question du sénateur Carignan n’est pas inoffensive. Lorsque j’ai eu l’occasion de prononcer ma première allocution dans cette Chambre, j’ai rappelé l’importance de la règle de droit et de l’indépendance judiciaire. Je pense que les commentaires des politiciens, qu’ils soient à l’autre endroit ou ici dans cette Chambre, doivent d’abord et avant tout essayer de souligner l’appui que nous donnons aux institutions judiciaires. Ils doivent aussi respecter la séparation des pouvoirs entre le législatif, le judiciaire et l’exécutif. Lorsqu’on remet en cause l’indépendance des tribunaux ou l’indépendance et l’impartialité des juges, on ne sert pas adéquatement la cause de la règle de droit au Canada.
Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, vous n’avez pas répondu à la question. Vous commencez mal votre nouvelle fonction.
La question était : le gouvernement a nommé un juge qui devait respecter le critère d’être membre du Barreau depuis dix ans, mais il l’était depuis seulement sept ans, donc il ne remplit pas la qualité essentielle pour être nommé juge. Il continue à entendre des causes malgré le fait qu’il soit contesté devant les tribunaux. Ne croyez-vous pas qu’il est embarrassant et délicat de permettre à un juge d’entendre des causes et de rendre jugements alors...
Le sénateur Moreau : Sénateur Carignan, vous êtes vous-même juriste. Vous savez que je ne peux commenter les causes qui sont devant les tribunaux, d’une part. D’autre part, ce que vous faites indirectement, et même directement par votre question principale, et par la question supplémentaire, est de miner la crédibilité du système de justice du Canada auprès du public. Je pense que ce n’est pas le rôle d’un politicien en général, et ce n’est certainement pas le rôle d’un sénateur.
[Traduction]
L’environnement et le changement climatique
La transition énergétique
L’honorable Mary Coyle : Je vous félicite de votre nouveau rôle au Sénat, sénateur Moreau.
Dimanche dernier, le Sénat a marqué l’histoire en accueillant l’Assemblée canadienne de la jeunesse sur le climat, où 33 jeunes de partout au Canada, choisis parmi plus de 700 candidats, se sont réunis pour répondre à la question suivante : qu’est-ce que les jeunes Canadiens veulent que le Parlement fasse pour respecter les engagements climatiques du Canada d’une manière qui reflète leurs valeurs et leurs priorités? Nombre de leurs recommandations mettent l’accent sur le respect de la souveraineté autochtone et le soutien à la propriété autochtone en ce qui concerne la transition vers l’énergie propre.
Sénateur Moreau, mardi prochain, nous célébrerons la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation. Pourriez-vous nous dire ce que fait le gouvernement pour inclure les dirigeants autochtones dans la transition vers l’énergie renouvelable afin de favoriser la réconciliation économique?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question. Le gouvernement est déterminé à respecter les droits des Autochtones. Comme il a déjà été dit dans cette enceinte, nous sommes tout à fait conscients de l’importance de maintenir une étroite communication avec les Autochtones et de tenir compte de ce qu’ils ont à dire, que ce soit par rapport à l’environnement ou au développement économique du pays. Le gouvernement s’engage à honorer ces paroles.
(1450)
La sénatrice Coyle : Nous nous pencherons davantage sur cette question à une autre occasion.
L’Assemblée canadienne de la jeunesse sur le climat a également souligné le besoin d’améliorer la collaboration entre les gouvernements fédéral, provinciaux et autochtones ainsi que les administrations municipales afin d’être mieux préparés à intervenir en cas de catastrophes climatiques comme les feux de forêt, les inondations et les sécheresses. Sénateur Moreau, comment le gouvernement fédéral compte-t-il répondre à ce besoin impératif d’améliorer la collaboration en matière de préparation et d’intervention en cas d’urgence, surtout en ce qui concerne les gouvernements autochtones?
Le sénateur Moreau : Le gouvernement est très conscient que les Premières Nations, les Inuits et les Métis sont à l’avant-garde des efforts déployés pour lutter contre les changements climatiques et pour s’adapter à leurs répercussions. Le savoir autochtone est essentiel à un environnement sain et à un avenir durable pour tous. Le gouvernement du Canada s’est engagé à favoriser une approche collaborative avec les peuples autochtones et à soutenir leur leadership en matière de climat. C’est pour cette raison qu’il a présenté un plan de lutte contre les changements climatiques, intitulé « Un environnement sain et une économie saine », qui favorise le leadership autochtone en matière de climat et qu’il a annoncé plus de 2 milliards de dollars...
Son Honneur la Présidente : Merci, sénateur Moreau.
Le Bureau du Conseil privé
Les nominations au Sénat
L’honorable Donna Dasko : Honorables sénateurs, je félicite le sénateur Moreau pour sa nomination au poste de représentant du gouvernement au Sénat. Félicitations.
Selon un sondage d’opinion mené à l’échelle nationale l’année dernière, une forte majorité de Canadiens, soit 7 sur 10, souhaitent que les futurs gouvernements continuent de recourir au processus de nomination qui a permis de créer un Sénat non partisan et indépendant, et seulement 5 % des Canadiens souhaitent un retour à l’ancien Sénat partisan. Seulement 5 % des Canadiens souhaitent revenir en arrière. Ce sentiment est partagé dans tout le pays. Compte tenu de ces statistiques, le gouvernement s’engagera-t-il sans équivoque à maintenir le processus indépendant de nomination des sénateurs fondé sur le mérite, ainsi qu’à adopter des réformes, des règles et des mesures de protection pour empêcher les caucus des partis de reprendre le contrôle? Merci.
Des voix : Bravo!
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénatrice Dasko, je vous remercie de la question. Comme vous le savez, je suis le représentant du gouvernement et je ne peux pas parler en son nom. J’en dirai davantage à ce sujet sous peu. Je peux dire que je ne suis pas au courant de changements possibles au processus de nomination des sénateurs ni de l’intention du gouvernement de changer les règles qui sont appliquées depuis 2015. Je suis personnellement en faveur de l’indépendance du Sénat. Je l’ai dit dans mon premier discours et je le répète aujourd’hui.
Des voix : Bravo!
La sénatrice Dasko : À ma connaissance, le premier ministre Carney n’a pas fait de déclaration ni pris d’engagement au sujet de l’indépendance du Sénat, mais le leader du gouvernement à la Chambre, Steve MacKinnon, a laissé entendre qu’il pourrait y avoir d’autres changements à venir. Il a dit : « Je pense que le Sénat est en constante évolution. » À quoi le leader du gouvernement à la Chambre faisait-il allusion?
Merci.
Le sénateur Moreau : Pouvons-nous poser la question au leader du gouvernement à la Chambre afin d’obtenir une réponse satisfaisante? Comme je l’ai précisé, je pense avoir déjà dit clairement dans cette enceinte que rien ne laisse croire que la situation du Sénat changera dans un proche avenir ou sous le gouvernement actuel, mais je transmettrai votre question au ministre, que je rencontrerai probablement dès demain.
Les services publics et l’approvisionnement
Le Programme de certification en cybersécurité du Canada
L’honorable Colin Deacon : Honorables sénateurs, c’est un plaisir d’être de retour ici et de revoir tout le monde. Sénateur Moreau, je vous félicite de votre nouvelle nomination.
Le gouvernement du Canada met graduellement en œuvre le Programme canadien de certification en cybersécurité, ou PCCC, qui sera obligatoire pour toutes les organisations obtenant des contrats de défense à partir de 2026. Le délai nécessaire pour que les PME canadiennes se conforment à cette norme importante est de 9 à 12 mois, et les coûts dépassent les 200 000 $. À la lumière de l’augmentation massive des dépenses de défense et en l’absence de mécanismes ciblés pour soutenir la conformité des PME, il y a un risque important de renforcer davantage les solutions conçues aux États-Unis au lieu de soutenir l’innovation nationale, la technologie à double usage et la capacité indépendante. Quels plans le gouvernement a-t-il pour combler le manque de ressources afin de permettre aux PME canadiennes de respecter les normes du PCCC, protégeant ainsi l’innovation, la création d’emplois et les avantages économiques intégrés au Canada?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci pour la question, sénateur. Le gouvernement utilise un modèle à plusieurs niveaux pour vérifier les exigences de conformité en ce qui concerne les risques associés aux contrats. On vérifie notamment s’ils contiennent de l’information délicate pour s’assurer que les obligations auxquelles les petites et moyennes entreprises sont assujetties sont proportionnelles aux données traitées. Cela dit, le gouvernement développe des mesures de soutien pour la préparation en matière de cybersécurité, notamment les niveaux du Programme canadien de certification en cybersécurité, des outils d’autoévaluation précis et des guides d’orientation technique ainsi que la modernisation générale de la sécurité pour aider les petites et moyennes entreprises à respecter les normes. Le gouvernement a toujours défendu les intérêts des petites entreprises canadiennes et il va continuer de le faire.
Le sénateur C. Deacon : Merci, sénateur Moreau. Un défi similaire existe aux États-Unis en raison de la Certification du modèle de maturité de la cybersécurité, car près de la moitié de nos fournisseurs dans le secteur de la défense sont intégrés dans la chaîne d’approvisionnement américaine. Ce qui m’inquiète, c’est le risque de passer à côté de possibilités si nous ne mettons pas en place un modèle solide — et je sais que la volonté va dans ce sens. Une piste de solution pourrait être de recourir aux avantages de la technologie industrielle, qui sont souvent inutilisés, souvent au risque de mener à une non-conformité. Est-ce que cette option est envisagée?
Le sénateur Moreau : Je vais sans faute faire part de cet aspect au ministre et au gouvernement dans l’ensemble. Je vous remercie de me donner l’occasion de soulever la question auprès du gouvernement.
[Français]
L’immigration, la citoyenneté et les réfugiés
Les travailleurs étrangers temporaires
L’honorable Julie Miville-Dechêne : Sénateur Moreau, tout d’abord, bon courage dans vos nouvelles fonctions. Je constate bien l’importance des grands projets pour le gouvernement, mais il y a tout un pan de l’économie du Québec qui est constituée de PME qui souffrent à cause de la nouvelle baisse des seuils d’embauche de travailleurs étrangers temporaires imposée par le gouvernement fédéral.
J’ai parlé à deux entreprises très inquiètes dans le Bas-Saint-Laurent : Aliments Asta a dû se départir d’une quarantaine de ces employés pour respecter les quotas fédéraux et l’entreprise perd des revenus, car elle ne peut pas faire autant de coupes de viande qu’auparavant. Cette inquiétude est aussi présente chez Lepage Millwork, qui fabrique des portes et fenêtres et qui craint de perdre 45 travailleurs temporaires en janvier, alors qu’elle a investi dans l’expansion de l’usine. Pourquoi nuire à ces entreprises?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie de la question. Je pense que l’objectif du gouvernement n’est évidemment pas de nuire aux entreprises; d’ailleurs, nous sommes très au fait des difficultés qui existent dans certains secteurs au chapitre du recrutement d’employés qui résident au Canada. C’est une question que je connais bien, particulièrement dans le domaine de la transformation et dans le domaine agricole; je connais bien ces entreprises, et ce que le gouvernement tente de faire au moyen du programme est de resserrer les critères pour faire en sorte qu’un maximum d’emplois soit confié aux travailleurs canadiens pour qu’ensuite, ces entreprises puissent véritablement avoir recours aux travailleurs étrangers.
Dans certains cas, les programmes peuvent poser des difficultés; le gouvernement en est conscient, et nous allons travailler à les améliorer. L’objectif du gouvernement est d’appuyer ces entreprises, qui sont très importantes pour l’économie du Canada.
La sénatrice Miville-Dechêne : Je vous remercie de votre réponse. Il reste que, particulièrement dans le Bas-du-Fleuve, il y a très peu de main-d’œuvre jeune. Il y a une main-d’œuvre beaucoup plus âgée; en fait, la population est vieillissante. Ce n’est pas une solution de dire que des jeunes veulent travailler dans ces cas-là, ce que l’on dit un peu ailleurs. Que dites-vous de cette situation sur le plan humain, puisque ce sont des familles et des enfants qui vivent dans l’angoisse de devoir quitter le Canada?
La diminution des quotas de travailleurs étrangers est-elle vraiment à l’avantage de l’économie du Québec…
Le sénateur Moreau : Madame la sénatrice, l’aspect humain doit être vu non seulement pour ceux qui craignent de devoir quitter le Canada, mais aussi pour les entrepreneurs qui ont bâti à force d’efforts des entreprises que ces employés permettent de soutenir. Il est évident que le gouvernement fait actuellement une révision des programmes. Dans ces cas, particulièrement pour ce qui est de la démographie ou des situations économiques qui touchent des régions, je crois que le gouvernement est engagé dans une révision des programmes. Les exemples que vous soulevez lui permettront certainement d’être plus alerte à cet égard.
[Traduction]
La sécurité publique
Le cannabis
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Sénateur Moreau, je joins ma voix à celle des autres sénateurs et je vous félicite de votre nouveau rôle.
Dans votre gouvernement a légalisé le cannabis en 2018, l’un des objectifs était de priver le crime organisé de certains profits et de réduire les ventes sur le marché noir. Toutefois, d’après un rapport de renseignement produit par la GRC cette année, au moins 50 % des ventes se font encore sur le marché noir.
(1500)
Ce qui est pire encore, le rapport montre que depuis 2022, le marché illégal a profité du manque de réglementation pour reprendre la première place. Devant ces constats, le gouvernement reconnaît-il qu’il n’a pas réussi à atteindre son objectif fixé en 2018 et que l’opposition conservatrice avait raison d’affirmer que la légalisation n’éliminerait pas le marché noir?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Votre question soulève un enjeu fondamental : celui de faire en sorte que nous disposions des outils, des ressources humaines et de tout ce qu’il faut pour mettre fin aux marchés noirs dans notre pays. Il ne sera jamais possible d’atteindre l’objectif d’éradiquer les marchés noirs, mais ce que dit le gouvernement...
Il est très difficile de répondre à une question pendant que vous parlez, sénatrice Batters. Je suis désolé de vous le dire, car c’est ma première période des questions, et je pensais que vous m’écouteriez au lieu de m’interrompre pendant que j’essaie de répondre. C’est une question de ton et de respect dans cette enceinte, et je compte sur vous pour faire preuve de plus de respect à cet égard. Merci.
La sénatrice Martin : Puisque vous refusez de reconnaître l’échec du gouvernement, pouvez-vous au moins expliquer pourquoi, selon la police de Terrebonne, 35 % des producteurs agréés ont un casier judiciaire lié aux stupéfiants et sont liés au crime organisé? N’est-ce pas la preuve que votre système est désormais complètement infiltré par des criminels et qu’il ne fait que légaliser la contrebande?
Le sénateur Moreau : Je rejette le postulat de votre question. Il est clair que le gouvernement est résolu à appuyer les services policiers et à faire régner la sécurité dans ce pays, dans l’intérêt de tous les Canadiens.
[Français]
La justice
La disposition de dérogation
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Sénateur Moreau, la semaine dernière, le mémoire de la procureure générale à la Cour suprême du Canada concernant l’article 33 de la Charte des droits et libertés, c’est-à-dire la disposition de dérogation, a ouvert la porte à ce que la Cour réexamine sa décision de 1988 sur cette disposition, qui est un pilier de l’autonomie provinciale.
Le Québec, comme vous le savez bien, utilise l’article 33 de manière responsable depuis longtemps pour refléter ses valeurs. Pourtant, Ottawa cherche maintenant à dicter comment et quand la province peut y avoir recours. Pourquoi le gouvernement veut-il risquer de déstabiliser l’équilibre délicat de l’unité nationale plutôt que de respecter la jurisprudence qui maintient l’équilibre entre le fédéral et les provinces?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Contrairement à la prémisse de la question, je pense que le gouvernement fédéral ne tente pas de dicter quoi que ce soit. La cause est devant la Cour suprême du Canada et je crois qu’elle est l’instance appropriée pour interpréter la Constitution canadienne et la Charte des droits et libertés qui en fait partie intégrante.
Ce qui est important de savoir, c’est que cette question n’a jamais été soumise à la Cour. Je pense qu’il est important pour nous d’avoir l’expertise de la Cour suprême pour connaître l’étendue de l’application de la disposition de dérogation, et le gouvernement du Canada s’est bien gardé d’entrer dans le détail de la laïcité ou du fond de la loi 21.
La question soumise à la Cour est « est-ce qu’un droit qui est par ailleurs garanti peut être constamment mis de côté par l’application de la disposition de dérogation? » La question n’a encore jamais été soumise aux tribunaux. Je crois que le gouvernement est bien placé et a l’obligation constitutionnelle de demander à la Cour d’interpréter la Charte canadienne des droits et libertés.
Le sénateur Housakos : Sénateur Moreau, je suis un peu surpris de cette réponse par un ancien ministre de l’Assemblée nationale du Québec. Sénateur Moreau, le gouvernement ne voit-il pas que cette intervention pourrait créer un précédent dangereux et permettre à Ottawa d’outrepasser d’autres lois provinciales à sa guise?
Le sénateur Moreau : Dans une démocratie constitutionnelle, le Canada, s’il n’intervenait pas dans ce type de débat, serait probablement le seul gouvernement démocratique au monde à ne pas vouloir défendre la Constitution ou la Charte des droits qui en fait partie. Il est aussi important pour l’Assemblée nationale du Québec que pour les autres provinces, les territoires et tous les gouvernements de connaître la portée réelle de cette disposition de la Charte canadienne des droits et libertés. C’est l’information que la Cour suprême sera appelée à donner dans les prochaines semaines et les prochains mois.
[Traduction]
La sécurité publique
Les répercussions de l’intelligence artificielle
L’honorable Tony Loffreda : C’est formidable d’être de retour et de revoir tout le monde.
[Français]
Ma question s’adresse au nouveau représentant du gouvernement au Sénat.
D’abord, sénateur Moreau, je tiens à vous féliciter pour votre nouveau poste. J’ai confiance que vous serez en mesure de bien faire avancer les priorités législatives au Sénat dans une atmosphère de collaboration et de dialogue, mais surtout de présenter nos revendications au gouvernement.
[Traduction]
Ma question porte sur la Feuille de route du G7 pour l’adoption de l’intelligence artificielle, ou IA.
Lorsque le Canada a accueilli le G7 en juin, les dirigeants du G7 ont reconnu le potentiel des technologies de l’IA en rapide évolution pour stimuler la compétitivité et apporter une prospérité sans précédent aux entreprises, aux organisations et aux pays qui les intègrent dans leurs processus opérationnels. Comment le Canada se prépare-t-il à atteindre les objectifs de la feuille de route? Le gouvernement a-t-il commencé à rédiger le cadre de référence pour l’adoption de l’IA promis lors du G7?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci, sénateur Loffreda. L’IA continue de façonner notre monde, et le gouvernement du Canada cherche à tirer parti des possibilités qu’elle offre, à atténuer ses risques et à renforcer la confiance. Il est essentiel d’investir dans l’IA pour bâtir l’économie la plus forte du G7. Le gouvernement du Canada continue de soutenir fermement l’écosystème national de l’IA grâce à des investissements stratégiques qui stimuleront à la fois la croissance économique et l’avancement technologique responsable. À cette fin, le gouvernement a lancé l’appel à candidatures pour le Fonds d’accès à une capacité de calcul pour l’IA, une initiative clé de la Stratégie canadienne sur la capacité de calcul souveraine pour l’IA.
Le sénateur Loffreda : Je vous remercie. Le Canada doit suivre le rythme de cette évolution rapide et l’encadrer, car il ne peut plus se permettre d’attendre.
Comment le gouvernement réglementera-t-il l’écosystème de l’intelligence artificielle de manière à ce que les PME puissent profiter pleinement de la technologie sans que cela soit trop lourd et bureaucratique, sans jamais perdre de vue les droits des consommateurs et les droits à la protection des renseignements personnels, et en s’assurant que la confiance prévaut? L’intelligence artificielle peut aider les entreprises à prendre de l’expansion, à augmenter leur productivité et à s’implanter sur de nouveaux marchés. Le ministre Solomon doit réussir son coup.
Le sénateur Moreau : Oui, le ministre en est bien conscient. Le Canada prend des mesures concrètes pour s’assurer que l’intelligence artificielle est sûre et fiable en lançant l’Institut canadien de la sécurité de l’intelligence artificielle, avec un investissement de 50 millions de dollars pour diriger des travaux de recherche de pointe et d’évaluation des risques, de gouvernance éthique et de développement sécurisé de systèmes d’intelligence artificielle. Le gouvernement travaille en étroite collaboration avec des partenaires étrangers par l’intermédiaire du nouveau réseau international de l’Institut canadien de la sécurité de l’intelligence artificielle. Il mène des discussions mondiales fondamentales, récemment au sommet sur la sécurité de l’intelligence artificielle, à San Francisco, et il gère…
[Français]
Le Bureau du Conseil privé
Les agents du Parlement
L’honorable Raymonde Saint-Germain : À mon tour de vous féliciter et de vous offrir mes meilleurs vœux, sénateur Moreau. Je suis heureuse de conserver un voisin du Québec.
Ma question porte sur la nomination des agents du Parlement. Ils sont au nombre de neuf et leur nomination doit être ratifiée par les deux Chambres de ce Parlement.
Au fil des ans, des nominations intérimaires de dernière heure ont été faites. J’aimerais me concentrer sur la plus récente de celles-ci, par le présent gouvernement, du directeur parlementaire du budget, M. Jason Jacques, qui a été prévenu à quelques heures d’avis qu’il serait nommé par intérim pendant six mois.
Comment expliquez-vous cette situation?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vous remercie pour la question, sénatrice Saint-Germain. Je suis également très heureux d’avoir une représentante du Québec à mes côtés.
Cette situation est sans aucun doute liée au fait que les élections générales ont amené une nouvelle administration, un changement dans le gouvernement. Je comprends que c’est toujours le Parti libéral du Canada qui est à la tête de l’État, mais ces changements d’administration ont souvent comme conséquence de susciter des situations imprévisibles. Je pense que c’est la seule explication possible dans ce cas-là.
Évidemment, le gouvernement devra porter attention à ce genre de situation. J’ai l’intention de soulever la question pour veiller à ce qu’une transition éventuelle se déroule de façon à éviter que ce genre de situation se reproduise.
Je pense que le gouvernement est bien au fait des difficultés que cette situation a entraînées et probablement que les règles pourraient être modifiées pour veiller à une meilleure transition à l’avenir.
La sénatrice Saint-Germain : Merci. Au-delà de la bonne volonté du gouvernement, que je comprends, est-ce que vous croyez que parmi les solutions, il y aurait lieu de resserrer certaines des lois et de limiter dans certaines conditions la capacité du gouvernement de procéder à des nominations tardives et de nature intérimaire?
Le sénateur Moreau : Vous savez, l’un des rôles du représentant du gouvernement au Sénat est d’être la cheville ouvrière entre le Sénat et le gouvernement autant que d’être le représentant du gouvernement au Sénat.
(1510)
Je serai donc très ouvert à toute suggestion qui pourrait être faite au gouvernement à cet égard pour améliorer les règles et faire en sorte que le type de situation que vous décrivez ne se reproduise pas.
Les priorités du gouvernement
L’honorable Clément Gignac : Permettez-moi tout d’abord de féliciter le sénateur Pierre Moreau, mon ancien collègue et ancien ministre à l’Assemblée nationale du Québec, pour sa nomination à titre de représentant du gouvernement. J’ai d’ailleurs eu le plaisir de le parrainer ici, au Sénat.
Depuis la réforme de la Chambre haute en 2015, le nombre de projets de loi d’intérêt public du Sénat ne cesse d’augmenter. À la dernière session, 92 ont été déposés et, au cours de la présente session, après seulement 16 séances, 33 ont été déposés. Le temps saura nous dire combien encore seront inscrits au Feuilleton. Le Sénat est de plus en plus souvent saisi de l’étude de ces projets de loi, ce qui nous laisse moins de temps pour remplir notre mandat principal à titre de Chambre de second examen — c’est du moins le mandat que l’on m’avait décrit lorsque j’ai posé ma candidature pour devenir sénateur.
Sénateur Moreau, avez-vous des réflexions à partager avec nous sur cet enjeu?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre question, sénateur Gignac. Comme le dit Édith Butler, « Paquetville peut dormir tranquille ». En ce qui me concerne, je dormirai tranquille à la fin de cette première journée à titre de représentant du gouvernement au Sénat.
Je comprends bien que le Sénat est maître de sa procédure. Si les sénateurs souhaitent modifier les règles pour que nous puissions nous concentrer sur certaines parties de nos travaux, je serai très heureux de prendre les mesures nécessaires pour que cette volonté des sénateurs soit mise en œuvre.
Le sénateur Gignac : Avant la réforme du Sénat, il fallait en moyenne 12 séances pour qu’un projet de loi du gouvernement soit adopté. On connaît le processus, et ma suggestion n’est pas de revenir à cette pratique. Toutefois, il faut entre 30 et 50 jours de séance pour adopter un projet de loi du gouvernement. Au mois de juin, nous n’avons consacré que trois jours à une étude complexe. Pourrait-on avoir un juste milieu entre 3 jours et 50 jours pour étudier un projet de loi du gouvernement?
Le sénateur Moreau : J’ai eu des discussions avec des collègues du Sénat et avec certains groupes. Effectivement, la session du mois de juin a marqué les esprits.
En ce qui me concerne, le Sénat doit disposer du temps requis pour procéder à l’étude des projets de loi et pour remplir son rôle constitutionnel de Chambre de second examen. C’est certainement un élément sur lequel je serai extrêmement sensible dans les messages du Sénat à l’autre endroit.
[Traduction]
ORDRE DU JOUR
Le discours du Trône
Motion d’adoption de l’Adresse en réponse—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Gold, c.p., appuyée par l’honorable sénatrice LaBoucane-Benson,
Que l’Adresse, dont le texte suit, soit présentée à Sa Majesté le roi :
À Sa Très Excellente Majesté Charles Trois, par la grâce de Dieu, Roi du Canada et de ses autres royaumes et territoires, Chef du Commonwealth.
QU’IL PLAISE À VOTRE MAJESTÉ :
Nous, sujets très dévoués et fidèles de Votre Majesté, le Sénat du Canada, assemblé en Parlement, prions respectueusement Votre Majesté d’agréer nos humbles remerciements pour le gracieux discours que Votre Majesté a adressé aux deux Chambres du Parlement.
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’aimerais souligner que nous sommes réunis sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe et exprimer mon engagement à l’égard de la vérité et de la réconciliation avec les Premières Nations, les Inuits et les Métis.
Chers collègues, la 45e législature a été ouverte par Sa Majesté le roi Charles III. La présence du roi parmi nous, dans cette enceinte, signifie que les temps sont peu ordinaires.
La grandeur des projets envisagés par le premier ministre indique que le programme du gouvernement n’est pas ordinaire.
Chers collègues, ce Parlement n’est pas ordinaire.
[Français]
Le Parlement a été convoqué, nous a dit le roi, pour répondre à « des défis sans précédent » dans notre vie. En effet, chers collègues, au cours de nos vies, nous n’avons jamais été confrontés à une situation semblable : la menace d’annexion de notre principal allié, ce partenaire commercial imprévisible que sont devenus les États-Unis, la montée de l’autocratie et un monde dans lequel l’ordre fondé sur la règle de droit est menacé. Alors que nous continuons notre avancée dans le XXIe siècle, ce n’est pas le monde que j’avais imaginé pour mes enfants et mes petits-enfants.
Le roi, qui n’est pas étranger aux bouleversements politiques — le plus récent étant le Brexit —, nous a exhortés à profiter de cette occasion historique de renouveau pour voir grand et poser des gestes encore plus grands, et à profiter de cette occasion pour entreprendre la plus vaste transformation de notre économie depuis la Deuxième Guerre mondiale.
Chers collègues, ces mots sont lourds de sens. Je suis convaincu que notre pays relèvera ces défis et que cette Chambre contribuera largement à la gestion de la grande transformation qui est en cours.
[Traduction]
Honorables sénateurs, je tiens à remercier le premier ministre Carney de m’avoir nommé représentant du gouvernement au Sénat et je tiens à remercier la Présidente, les leaders et chacun d’entre vous pour votre accueil chaleureux.
Je suis honoré de prendre la parole au Sénat pour participer au débat sur le discours du Trône. Bien que le Règlement du Sénat m’accorde un temps de parole illimité, mon épouse m’a conseillé, à juste titre je pense, de ne pas abuser de ce privilège lors de mon premier jour en fonction. Mon épouse a toujours raison.
Dans son discours de départ à la retraite, la sénatrice Bellemare a souligné que cette enceinte réunissait un groupe de personnes talentueuses qui, dans leurs domaines respectifs, sont toutes sorties premières de leur classe. Chers collègues, alors que j’assume ma fonction, je tiens, en toute humilité, à réitérer les éloges de la sénatrice Bellemare. C’est un honneur de faire partie de votre groupe.
Alors que nous traversons ensemble cette période difficile, je bénéficierai de vos sages conseils. Au Sénat, dans les comités et dans le cadre de nos fonctions extraparlementaires, comme le travail diplomatique que nous accomplissons auprès des associations parlementaires et des groupes d’amitié, nous sommes aujourd’hui appelés à représenter cette institution et la population canadienne avec une détermination renouvelée.
Il y a trois mois, j’ai prononcé mon premier discours. Aujourd’hui, je tiens à réaffirmer sans ambiguïté mon engagement en faveur d’un Sénat indépendant. J’avais alors expliqué, sans minimiser les atouts que les partis politiques apportent à la démocratie de Westminster, que le Sénat doit s’efforcer de transcender les excès de la politique partisane. J’avais aussi expliqué que nous devons nous employer à protéger les droits individuels, tout en continuant à mettre l’accent sur le bien commun. Par ailleurs, le gouvernement doit maintenir un processus de nomination fondé sur le mérite, dans lequel l’expérience, la personnalité et l’aptitude personnelle sont les principaux critères qui régissent la sélection des nouveaux sénateurs par le comité consultatif. Je continue à défendre ces valeurs et à respecter ces engagements.
Mes prédécesseurs, les sénateurs Harder et Gold, nous ont guidés à travers une décennie créative dans l’évolution du Sénat, une décennie qui a apporté des changements importants au Règlement et un mode de gouvernance qui a rompu avec le duopole traditionnel. Je salue leur travail. Étant leur successeur, je tiens à vous assurer que je partage leur vision du Sénat, alors qu’il poursuit son évolution.
[Français]
Dans mon premier discours, j’avais déclaré que, heureusement, le Sénat n’est pas figé dans le temps. Plus que jamais, chers collègues, nous sommes appelés à nous adapter à des contextes nationaux et internationaux qui subissent des changements tectoniques. Comme le Sénat l’a fait par le passé, nous comprenons tous que nous ne pouvons pas traiter les problèmes d’aujourd’hui avec les solutions d’hier. Les règles et les coutumes de cette institution nous permettent de nous gouverner avec souplesse. Faisons-le toutefois avec sagesse, prudence et responsabilité.
[Traduction]
Ce matin, j’ai fait la première annonce concernant l’expansion du bureau du représentant du gouvernement. Comme vous le savez, la Loi sur le Parlement du Canada permet que ce bureau soit composé de cinq sénateurs. Cependant, après avoir examiné attentivement les lois et règles régissant le Sénat, je demande aux sénateurs d’adopter une motion visant à garantir l’harmonisation des rôles du bureau du représentant du gouvernement avec la loi et le Règlement administratif du Sénat.
(1520)
Le Sénat est maître de ses règles et procédures, et j’attends avec impatience son accord et l’adoption de la motion demain afin que je puisse, en temps voulu, présenter le cinquième membre de l’équipe du bureau du représentant du gouvernement.
Permettez-moi maintenant de vous expliquer pourquoi je vous demande d’appuyer la motion qui permettra au bureau du représentant du gouvernement de passer à cinq membres. Comme le premier ministre l’a souvent mentionné, pour bâtir un Canada fort, le Parlement doit travailler en étroite collaboration avec les provinces, les territoires et les peuples autochtones. Si nous voulons relever les défis auxquels nous sommes confrontés, nous devons mobiliser tous les éléments de la fédération et ramer dans la même direction. Il en va de même pour le Sénat. C’est pourquoi l’équipe que je propose, en plus d’être composée de personnes exceptionnellement compétentes, représente les différentes parties de la fédération : l’Est du Canada, le Centre du Canada, l’Ouest du Canada et le Nord du Canada.
Honorables sénateurs de tout le pays, la sénatrice LaBoucane-Benson continue à assumer le rôle de coordonnatrice législative. En sa qualité de Métisse du territoire du Traité no 6 en Alberta, l’attachement qu’a la sénatrice LaBoucane-Benson envers la réconciliation est inestimable pour le bureau du représentant du gouvernement. Avec plus de cinq ans d’expérience au sein de cette équipe, où elle a travaillé avec mon prédécesseur, le sénateur Gold, la sénatrice m’aide à assurer la continuité en ce qui concerne les activités du bureau et l’évolution du Sénat. Je la remercie sincèrement de sa résolution.
La sénatrice Petten, de Terre-Neuve-et-Labrador, conserve son poste d’agente de liaison du gouvernement. La sénatrice Petten apporte une riche expérience du secteur privé et du secteur des entreprises, qu’elle combine à son service public, ainsi qu’à sa connaissance approfondie des problématiques auxquelles sont confrontés les Canadiens de la région de l’Atlantique. Forte de cette expérience, elle est bien placée pour établir des ponts entre nos différents groupes. Je la remercie également pour son engagement continu.
Issue du Groupe des sénateurs indépendants, dont je suis sûr qu’elle continue de chérir les valeurs, la sénatrice Pat Duncan rejoint l’équipe du bureau du représentant du gouvernement en tant qu’agente de liaison adjointe. Ancienne première ministre du territoire du Yukon, la sénatrice Duncan apporte au bureau du représentant du gouvernement plus de deux décennies d’expérience législative et une oreille attentive aux questions qui touchent l’Ouest et le Nord du Canada, ainsi que les nombreuses collectivités rurales et éloignées du pays. Ayant siégé à la table des premiers ministres, la sénatrice Duncan connaît de première main les points de vue des 13 provinces et territoires.
[Français]
Nos engagements sont simples et vous les connaissez bien : comment mieux représenter les voix des minorités et comment mieux défendre les différents intérêts régionaux de ce vaste pays, y compris ceux des communautés rurales trop souvent négligées? Honorables sénateurs, en tant que représentant du gouvernement, mon travail consiste à assurer la liaison entre le Sénat et le gouvernement. Comme l’a déjà dit le sénateur Harder, j’agis comme un intermédiaire, un canal de transmission.
Le travail de mon équipe élargie consiste à renforcer ce lien et à augmenter la connectivité entre le bureau du représentant du gouvernement au Sénat, le BRG, vos bureaux et ceux de l’autre endroit. Cette Chambre regorge d’expertise et de sagesse politique, et je souhaite que le bureau du représentant du gouvernement au Sénat vous aide et aide le gouvernement à en tirer le meilleur parti.
Les sénateurs du BRG se verront attribuer un ensemble de portefeuilles ministériels à surveiller. Grâce à une équipe de cinq sénateurs, nous serons en mesure de mieux connaître les travaux effectués par les comités, ce qui permettra d’assurer une circulation plus fluide de l’information et d’apporter plus de clarté quant à la position du gouvernement sur les mesures législatives et les études des comités. En bref, en élargissant le BRG, nous serons plus proactifs et plus représentatifs des nombreuses régions qui composent le Canada.
Cette modification ne change en rien mon intention de confier aux sénateurs des différents groupes qui composent le Sénat la responsabilité de parrainer des projets de loi du gouvernement. Ces choix se feront en tenant compte de l’intérêt manifesté et de l’expérience des sénateurs; ils se feront au cas par cas. Le BRG n’entend pas s’arroger le privilège de parrainer tous les projets de loi.
[Traduction]
Sénateurs, que ce soit clair, le bureau du représentant du gouvernement continuera de compter sur les sénateurs pour qu’ils parrainent, à titre individuel, des projets de loi.
[Français]
Il existe d’autres moyens pour que le Sénat exerce une plus grande influence parlementaire et politique. Au cours de la dernière décennie, le Sénat a amendé un nombre sans précédent de projets de loi et, ce faisant, il a profondément influencé les politiques publiques de notre pays. Il s’agit là d’une réalisation importante. Nous devons continuer à marquer de notre empreinte le processus législatif, en particulier en amont, en influençant l’autre Chambre par des voies informelles et formelles.
[Traduction]
Les études préalables constituent l’un des moyens dont nous disposons. Il s’agit d’un mécanisme qui permet aux comités d’entreprendre une étude dès qu’un projet de loi est déposé à l’autre endroit. Au cours des dernières années, les études préalables ont fait l’objet de nombreux débats, mais je tiens néanmoins à exprimer mon opinion à ce sujet. En bref, les études préalables sont un atout dont nous devrions mieux tirer parti. Elles nous permettent de participer au débat dès le début et sans limiter notre obligation constitutionnelle d’effectuer un examen.
S’il s’agissait simplement de faire adopter une loi par le Sénat à toute vapeur dans un souci d’efficacité, je serais certainement d’accord avec ceux qui doutent des mérites des études préalables. Nous avons un travail à accomplir. Nous avons un devoir constitutionnel. L’efficacité ne justifie pas à elle seule la décision de procéder à une étude préalable, mais ce n’est pas tout.
À mon avis, les études préalables permettent au Sénat d’exercer une plus grande influence sur le processus législatif. Non seulement un projet de loi suit son parcours habituel dans notre système bicaméral, mais grâce au mécanisme de l’étude préalable, un comité peut influencer l’autre endroit et l’inciter à apporter des modifications importantes avant que le projet de loi ne passe par les étapes des trois lectures ici, au Sénat. Chers collègues, nous disposons ainsi de plus de temps, et non moins, pour faire notre travail. C’est là l’avantage que les études préalables apportent à notre travail au Sénat.
Pour diverses raisons, la décision d’entreprendre une étude préalable doit être prise au cas par cas. Cependant, tout en maintenant notre tradition qui consiste à entreprendre des études préalables pour diviser et examiner les projets de loi d’exécution du budget, j’informe le Sénat que j’inciterai les leaders à discuter de la possibilité d’en entreprendre une notamment lorsqu’un projet de loi comporte des caractéristiques uniques qui le rendent digne d’une attention particulière, ou lorsqu’un projet de loi est complexe et comporte plusieurs facettes. Dans les bonnes circonstances, une étude préalable permet au Sénat d’apporter une contribution précieuse aux politiques publiques, et nous devons utiliser judicieusement cet outil précieux du Sénat.
[Français]
Il existe aussi un autre type d’étude pour lequel le Sénat est historiquement connu, à savoir les études approfondies et exhaustives que seuls les comités du Sénat peuvent entreprendre. En relisant le discours inaugural du sénateur Harder — je recommande à tous les nouveaux sénateurs de le lire, car il s’agit d’un document précieux —, j’ai été encouragé de constater que le représentant du gouvernement de l’époque recommandait également aux sénateurs de poursuivre les études approfondies et exhaustives qui ont fait la renommée du Sénat.
Le sénateur Harder a fait référence à l’étude novatrice du sénateur Michael Kirby sur la santé mentale, dont les travaux préliminaires ont débuté en novembre 2004 et dont le rapport a finalement été déposé dans cette Chambre en mai 2006. On peut également citer d’autres études, comme celle portant sur le vieillissement de la population canadienne, menée en 2009 par la sénatrice Sharon Carstairs, qui a duré deux ans et demi, ou l’étude sur les drogues illicites, menée par le sénateur Pierre Claude Nolin en 2002, qui a donné lieu à un rapport en deux volumes sur les questions liées à la consommation, à l’usage et à la réglementation du cannabis.
Même si les résultats de ces études ne sont pas toujours immédiats, ce sont elles qui, à moyen et à long terme, sont susceptibles d’influencer davantage le programme du gouvernement. Dans son discours de 2016, le sénateur Harder mentionnait à quel point le rapport Kirby, publié 10 ans plus tôt, continuait d’influencer le gouvernement actuel. Chers collègues, l’autre endroit est accablé par la « chasse aux votes » et la priorité accordée à la réélection. Nous avons le privilège d’avoir du temps et de pouvoir mettre de côté les comportements partisans. Plus de temps et moins de partisanerie nous permettront de mener à bien des études qui profiteront à tous les Canadiens.
[Traduction]
Je tiens maintenant à revenir sur la période historique unique que le roi a décrite. Chers collègues, comme vous le savez, non seulement le discours du Trône expose le programme du gouvernement, mais il décrit également l’état dans lequel se trouve le pays.
(1530)
Plus de 100 jours se sont écoulés depuis que le roi s’est adressé au Sénat, et la situation du pays n’a pas beaucoup changé; elle demeure critique. Bien que le discours sur la destinée manifeste se soit atténué et que nos relations commerciales avec les États-Unis aient retrouvé une certaine stabilité, les Canadiens ont perdu confiance dans notre relation continentale. Même si j’ai bon espoir que nos relations avec les États-Unis se rétabliront un jour, l’amitié que nous avons tissée à la suite de la Seconde Guerre mondiale ne sera plus jamais la même. C’est un moment où il convient d’appliquer la devise « Je me souviens » à l’échelle du Canada.
Le problème ne se limite pas à l’Amérique du Nord. Mis à part les défauts historiques des États-Unis — en particulier son héritage de terribles relations raciales —, le monde admirait autrefois ce que ce pays représentait : en un mot, la démocratie. Aujourd’hui, son président méprise les idéaux mêmes qui vous inspirent à siéger en cette enceinte. Chaque semaine qui passe, le financement d’un organisme de réglementation est supprimé et la primauté du droit est ternie, que ce soit par des expulsions ou de la violence impitoyable dans les rues et sur les campus universitaires. Les États-Unis n’ont jamais paru aussi mal depuis la deuxième moitié du mandat de Lyndon Johnson.
Chers collègues, la crise est réelle. Le premier ministre a déclaré que le Canada « est à nouveau confronté à des puissances militaires, à des frontières contestées et à l’agression autoritaire ». Cependant, comme l’a écrit le poète allemand Friedrich Hölderlin : « Mais là où est le danger croît aussi ce qui sauve. »
[Français]
Mon ancien chef, le premier ministre Jean Charest, a déclaré que, dans 20 ans, les Canadiens remercieront le président Trump pour le remaniement économique dont ils avaient tant besoin. Honorables sénateurs, le programme législatif du gouvernement est ambitieux. Le premier ministre veut mettre de l’avant plusieurs projets qui transformeront durablement notre pays et bâtiront la nation de demain, des projets à grande échelle comme l’ont été Expo 67 et la construction de la Voie maritime du Saint-Laurent. Pour amorcer son initiative, le gouvernement a créé le Bureau des grands projets. Le nom, à lui seul, en dit long.
Cela dit, permettez-moi de tempérer mon enthousiasme pour cette transformation en abordant une question que plusieurs d’entre vous peuvent se poser : lorsqu’un gouvernement entreprend des projets de grande envergure, les avancées démocratiques — comme les acquis réglementaires obtenus de haute lutte ou la réconciliation avec les peuples autochtones — doivent-elles être mises de côté?
En tant que Chambre de réflexion, il est assurément de notre devoir de surveiller tout cela et de toujours être à l’affût. Nous devons nous assurer que les droits et libertés consacrés dans la Charte ne sont pas bafoués, et nous devons veiller à ce que les voix des peuples autochtones soient entendues et à ce que nos décisions prennent en compte les droits des minorités et des groupes sous-représentés. Nous devons garantir l’équité dans toutes les régions du Canada, y compris dans les communautés éloignées et les communautés rurales. C’est notre devoir constitutionnel.
Par contre, dans notre vigilance, nous ne devons pas oublier que les grands projets menés par les gouvernements sont au cœur des démocraties modernes, qu’ils sont créateurs de richesse et qu’ils nous permettent de financer le filet de sécurité sociale qui est cher aux Canadiens. Dans ma province natale, c’est le gouvernement de Jean Lesage qui a été le fer de lance d’une politique industrielle qui continue aujourd’hui à profiter aux Québécoises et aux Québécois. Les mesures audacieuses prises par son gouvernement ont donné lieu à des projets d’infrastructure à grande échelle comme Hydro-Québec, qui fournit de l’électricité propre et renouvelable tout en continuant d’enrichir les Québécois.
Chers collègues, le défi qui nous attend est de taille. À une époque où l’autocratie est en plein essor, nous devons reconstruire ce pays sans renoncer à nos valeurs démocratiques.
[Traduction]
Permettez-moi de conclure en soulignant ce que je considère comme le rôle principal du Sénat au sein du Parlement. En tant que Chambre de second examen objectif, le Sénat existe pour empêcher les éventuels excès de la Chambre élue. Cependant, le gouvernement a pour mandat de mettre en œuvre les politiques qu’il a énoncées dans son programme électoral. Les Canadiens ont voté pour ces politiques, et ils sont en droit de les obtenir.
Nous devons non seulement garder à l’esprit ce pour quoi les Canadiens ont voté, mais aussi tenir compte de la manière dont ils ont voté. Même si l’opposition officielle de Sa Majesté ne s’attendait pas à se retrouver à la même place, plus de 8 millions de Canadiens ont voté pour le parti du sénateur Housakos, soit près de 42 % des personnes qui se sont rendues aux urnes le jour du scrutin. Notre institution démocratique doit en tenir compte et ne pas faire fi de cette réalité de la représentation politique.
Chers collègues, j’ai dit que la présence du roi signifiait que nous ne vivions pas une période ordinaire et que le programme du gouvernement sortait de l’ordinaire. Ce n’est pas une législature ordinaire, et, compte tenu du talent qui se trouve dans cette enceinte, je suis convaincu que je peux compter sur vous pour servir les Canadiens de manière extraordinaire.
Merci. Meegwetch.
Des voix : Bravo!
L’honorable Tracy Muggli : Honorables sénateurs, je tiens moi aussi à commencer par une reconnaissance du territoire. Nous sommes réunis sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe, et je suis heureuse de vivre sur le territoire où le chef Whitecap a recommandé à John Lake de fonder, en 1882, une colonie qui est devenue la ville de Saskatoon. Cette ville se trouve sur le territoire du Traité no 6, territoire traditionnel des Métis.
Je suis honorée d’être ici et reconnaissante envers l’ancien premier ministre Justin Trudeau et la gouverneure générale Mary Simon de m’avoir nommée à ce poste il y a à peine un an. J’ai hâte de servir notre pays avec vous tous.
Honorables collègues, nous avons tous été nommés pour représenter une région. Dans mon cas, il s’agit de la Saskatchewan. Je suis née à Humboldt et j’ai grandi sur une ferme céréalière qui se trouve entre Muenster et St. Gregor. Même si je n’ai pas toujours aimé la vie agricole, elle m’a appris l’importance du travail acharné, de la résolution de problèmes et de la persévérance, et elle m’a inculqué la conviction que, quand une personne est en difficulté, le reste de la collectivité doit intervenir. Cette éthique communautaire est au cœur de ma formation et me guide encore aujourd’hui.
Entre mon départ de la ferme et mon arrivée au Sénat, j’ai travaillé pendant 36 ans comme travailleuse sociale, tant sur le terrain que dans l’administration. Plus récemment, j’ai occupé le poste de directrice générale de l’Hôpital St. Paul’s, où j’ai dirigé notre réponse à la pandémie et, parallèlement, les efforts de RéconciliACTION. Auparavant, j’étais directrice des services de santé mentale et de toxicomanie pour la région sociosanitaire de Saskatoon et la Régie de la santé de la Saskatchewan, un travail qui m’a permis de mieux comprendre que la santé est influencée par le revenu, l’environnement, l’inclusion et l’appartenance. J’ai vu comment les inégalités systémiques telles que le classisme, le racisme, l’homophobie, le capacitisme et le sexisme s’entrecroisent et touchent les plus vulnérables. Cela m’a montré à maintes reprises l’importance d’adopter une écoute active, d’accorder à chaque personne la dignité qui lui est due et de mettre mes privilèges au service de l’équité.
Je reste attachée à ces principes alors que j’entame mon parcours au Sénat.
Examiner des mesures législatives et en débattre n’est pas un exercice abstrait : il s’agit de comprendre comment nos décisions affectent l’ensemble de la population. Je pense qu’il est important de prendre en compte toute la diversité humaine, en veillant à ce que les expériences des Premières Nations, des femmes et des personnes de toutes les identités de genre, mais aussi des personnes de tous les âges et de toutes les capacités soient entendues et prises au sérieux.
Nous savons qu’en raison de ces inégalités, beaucoup de gens au Canada sont aux prises avec des troubles de santé mentale et de toxicomanie. En Saskatchewan, j’ai travaillé de près avec des personnes aux prises avec ces difficultés dans le cadre de mon travail, tant sur le plan communautaire qu’hospitalier. J’ai constaté à quel point le manque de coordination et de volonté politique entrave souvent le rétablissement des personnes touchées.
Les jeunes sont particulièrement touchés. Un rapport de 2024 de l’organisme Saskatchewan Advocate For Children and Youth a mis en évidence une multiplication par cinq des problèmes de santé mentale et de toxicomanie signalés depuis 2020, ce qui montre à quel point des causes profondes comme la pauvreté, les traumatismes et les inégalités systémiques façonnent le bien-être mental. Je sais que je siège au milieu de collègues qui partagent ces préoccupations et qui sont motivés à trouver des solutions.
Dans les soins axés sur les solutions, la priorité doit être donnée aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis, car ces groupes restent touchés de façon disproportionnée en raison d’inégalités systémiques de longue date.
C’est une réalité que j’ai découverte au début de ma carrière d’intervenante en services d’aide sociale à l’enfance, en 1988. À 22 ans, j’étais une nouvelle travailleuse sociale — blanche — et un de mes premiers appels concernait une demande faite par un garçon de 6 ans qui avait signalé au directeur de son école qu’il fallait s’occuper de ses trois sœurs. Les adultes qui en étaient responsables étaient ivres et n’avaient aucune réaction, et les enfants vivaient dans des conditions qu’aucun enfant ne devrait subir : tous étaient atteints d’impétigo et avaient des poux; le bébé avait un retard de croissance et les trois filles étaient souillées d’urine. Le bébé était silencieux, allongé sur un lit; la fillette de 2 ans et demi a été trouvée gémissante dans un placard et celle de 5 ans se trouvait dans une fourgonnette stationnée dans l’entrée. Quand j’ai ouvert la porte, la mère est tombée par terre.
(1540)
J’ai conduit les enfants dans un foyer d’accueil, j’ai aidé toute la journée à les nettoyer, les nourrir et les soigner, puis je suis rentrée chez moi en pleurant presque tout le long du trajet. Je savais au fond de mon cœur et de mon âme qu’aucune mère ne souhaiterait de telles conditions pour ses enfants. Que lui était-il arrivé pour en arriver là?
Bien sûr, après avoir noué une relation avec elle, j’ai appris qu’elle avait subi de nombreux traumatismes et j’ai su à quel point elle aimait ses enfants. C’était il y a 36 ans. Qu’avons-nous appris et qu’avons-nous fait pour changer les circonstances? Pas assez.
Rien qu’en 2023, 48 jeunes pris en charge par les services provinciaux en Saskatchewan ont tenté de se suicider, d’après les informations dont nous disposons. Le Canada doit améliorer le soutien apporté aux enfants qui ont besoin d’être pris en charge et protégés, mettre en place des interventions plus efficaces et garantir un accès fiable à des services de santé mentale complets, rapides et adaptés à la culture.
La santé mentale et la toxicomanie sont inévitablement liées, et la crise des drogues toxiques continue de ravager les collectivités. De janvier 2016 à septembre 2022, plus de 34 000 personnes sont décédées au Canada des suites d’une intoxication aux opioïdes. En Saskatchewan, les surdoses, dont le nombre ne cesse d’augmenter, et la toxicité croissante des drogues de rue continuent de faire des victimes.
Dans le cadre de mes anciennes fonctions à l’Hôpital St. Paul’s, j’ai personnellement vu le personnel des urgences réanimer et traiter des centaines de patients en état de surdose en l’espace de quelques semaines. Le personnel est épuisé, il part en larmes, beaucoup ont besoin d’un congé pour cause de stress pour faire face à la situation. C’est une réalité nationale. Cette crise exige une approche de santé publique compatissante et globale, ancrée dans les piliers clés de l’application de la loi, de la réduction des méfaits, de la prévention, du traitement et des mesures de rétablissement, étayée par des données probantes et soutenue par des investissements et des politiques adaptées à la culture.
Permettez-moi de dire ceci maintenant, pour la première fois en tant que sénatrice, mais certainement pas la dernière : dans un pays comme le Canada, l’accès à des soins de qualité ne doit jamais dépendre de la race, du revenu, de l’orientation sexuelle, de la capacité ou de la géographie. De plus, nous ne pouvons atteindre l’équité sans une véritable réconciliation. Cela signifie la cocréation de systèmes et la création de solutions dirigées par les Autochtones dans les domaines de la santé, de l’éducation et du développement économique qui respectent la souveraineté et le leadership des autochtones.
L’adoption unanime par le Sénat du projet de loi C-51 en 2023, qui a promulgué le traité de gouvernance entre le gouvernement du Canada et la Première Nation dakota de Whitecap, a reconnu Whitecap en tant que nation autonome en établissant une nouvelle relation de gouvernement à gouvernement. La Première Nation dakota de Whitecap est à l’origine de véritables réussites, comme en témoigne l’annonce récente d’un carrefour virtuel de la santé dirigé par des Autochtones, qui est en cours d’aménagement au sein de la Première Nation dakota de Whitecap et qui bénéficie d’un financement fédéral récemment annoncé. Il s’agit de la première initiative du genre au Canada, et elle utilisera la technologie de la téléprésence pour apporter des soins de santé directement aux communautés rurales et autochtones.
L’objectif est de former une nouvelle génération de travailleurs de la santé, dont beaucoup sont autochtones, afin qu’ils puissent offrir des soins dans leur propre communauté et ailleurs, de manière à améliorer l’accès aux soins et à réduire les déplacements coûteux et perturbateurs. Dirigé par le chef Darcy Bear et le Dr Ivar Mendez, le projet est déjà en cours et sera pleinement opérationnel d’ici 2026.
Il s’agit d’une innovation incroyable, qui montre aux Canadiens comment les solutions proposées par les Autochtones peuvent apporter des avantages durables à tous. Le traité est un modèle d’autodétermination des Autochtones, et j’ai hâte que le gouvernement donne suite au projet de loi C-51 et qu’il transforme ce cadre en une action durable.
Je voudrais maintenant parler de la Saskatchewan et des perspectives économiques de ma province natale. En hommage à mon enfance passée dans une ferme, je commencerai par l’agriculture.
En 2024, les exportations à l’international de produits agricoles de la Saskatchewan ont totalisé plus de 18 milliards de dollars. Les exportations agricoles ont augmenté de plus de 32 % depuis 2014, représentant 41 % des exportations totales de la province en 2024.
La province est le premier exportateur mondial de cultures clés telles que les lentilles, les pois secs, l’huile de canola et le blé dur, et nous expédions nos produits dans plus de 160 pays. Parallèlement, nous développons l’agriculture à valeur ajoutée, avec plus de 300 entreprises de transformation employant 6 000 personnes, un secteur qui devrait générer 10 milliards de dollars de revenus d’ici 2030. La Saskatchewan est également un chef de file mondial dans le domaine des pratiques agricoles durables telles que l’agriculture sans labour ou avec un travail minimal du sol, ce qui signifie que notre canola a une empreinte carbone inférieure de 67 % à la moyenne mondiale.
Je tire une grande fierté du fait que mon père et ses frères ont été parmi les premiers agriculteurs des environs de Muenster à acquérir un semoir pneumatique il y a 45 ans, diminuant ainsi les risques de labours excessifs.
De nombreuses institutions, par exemple l’Université de la Saskatchewan, avec son centre de développement des cultures et son centre d’excellence du bétail et des cultures fourragères, contribuent à stimuler l’innovation en réalisant des percées dans les pratiques durables pour les diverses cultures et élevages.
Parmi les autres histoires de réussite propres à la Saskatchewan, mentionnons l’Institut de machinerie agricole des Prairies. Cette institution fondée en 1975 à Humboldt, ma ville d’origine, a joué un rôle de premier plan dans l’innovation et le développement du secteur canadien de l’agriculture. Je lui souhaite d’ailleurs un joyeux 50e anniversaire.
En effet, pendant près de cinq décennies, toutes ces institutions ont aidé la Saskatchewan en fournissant des conseils d’expert en matière d’agriculture, d’exploitation minière, de transports et de défense, ce qui a mené à une vaste gamme de solutions d’ingénierie et de services de mise à l’essai servant de catalyseur à l’innovation et à la croissance économique. Le secteur scientifique des Prairies est un moteur qui propulse l’innovation dans l’agriculture canadienne et qui joue un rôle primordial pour promouvoir la sécurité alimentaire, le bien-être animalier et la durabilité environnementale, à la fois à l’échelle nationale et à l’échelle internationale.
Toutefois, les fruits de la recherche et de l’innovation de la Saskatchewan dépassent le monde agricole.
Le Centre canadien de rayonnement synchrotron, ou CCRS, seule installation synchrotron au Canada, se trouve également à Saskatoon. Cette incroyable structure produit une lumière extrêmement intense qui permet d’analyser les matériaux à l’échelle moléculaire et atomique. Au CCRS, on examine tout, des cellules cancéreuses aux batteries de véhicules électriques, en passant par des artefacts anciens. Ceux qui utilisent la technologie du CCRS ont à leur actif plus de 4 600 publications évaluées par des pairs, ce qui place le Canada à l’avant-garde de la recherche scientifique mondiale tout en créant des débouchés locaux et en favorisant l’innovation dans les Prairies.
Vous m’avez déjà entendue parler des Global Water Futures Observatories, ou GWFO, lancés en 2023 en tant que premier réseau national de recherche sur l’eau douce au Canada. Avec 64 sites d’observation répartis dans divers écosystèmes, les GWFO soutiennent des stratégies adaptatives pour la sécurité de l’eau, la gestion des inondations et des sécheresses et la planification à long terme afin de préserver notre eau douce pour les générations futures.
Les travaux menés par les GWFO sous-tendent le projet de loi C-241, présenté hier à l’autre endroit, qui établira une approche nationale coordonnée en matière de prévision des inondations et des sécheresses. C’est une cause à laquelle je crois fermement et que j’ai l’intention de défendre au Sénat.
Chers collègues, en terminant, permettez-moi de dire quelques mots sur le Sénat et sur ma place au sein de cette institution. C’est sans prétention que je me présente ici. Toutefois, je crois fermement en l’importance de la collaboration, au rôle de cette institution et à notre mandat qui consiste à représenter les Canadiens marginalisés. J’ai déjà eu l’honneur d’être élue présidente du Groupe progressiste du Sénat, ou GPS, et j’ai l’intention d’approfondir rapidement ma compréhension de nos pratiques et procédures. Je me tournerai vers bon nombre d’entre vous pour qu’ils me servent de mentors.
Je suis reconnaissante envers la sénatrice Boyer, qui était à mes côtés quand j’ai prêté serment dans cette enceinte, ainsi qu’envers mes collègues du Groupe progressiste du Sénat, des législateurs talentueux et perspicaces qui savent aussi trouver le temps de s’amuser un peu. Je me réjouis de travailler avec tous les groupes pour améliorer la vie des collectivités que nous représentons. Le Sénat évolue. Pour citer une fois de plus le sénateur Harder — j’aimerais qu’il soit ici, et je paraphrase peut-être un peu ses propos :
L’indépendance et l’absence de partisanerie ne sont pas des fins en soi. Elles se traduisent par la nécessité pour les sénateurs d’assumer leurs responsabilités, de rendre des comptes et de s’engager à examiner en profondeur les projets de loi. Nous ne sommes pas là pour rivaliser avec la Chambre des communes, mais pour la compléter; nous ne sommes pas là pour livrer des phrases-chocs, mais pour assurer un contrôle réfléchi. Nous devons donc veiller à ce que les débats soient opportuns, les décisions transparentes et la collaboration entre les groupes réelle, afin d’éviter que les bonnes idées soient mises de côté en raison d’habitudes partisanes dépassées et d’empêcher les mauvaises idées sans mérite ou sans base factuelle de progresser.
J’interviens ici en tant que sénatrice représentant la Saskatchewan. Au cours de mes 36 années comme travailleuse sociale, j’ai été témoin des horreurs de la violence familiale, du racisme dans les organismes de protection de la jeunesse, des effets dévastateurs de la toxicomanie et des troubles mentaux, ainsi que des répercussions intergénérationnelles du colonialisme et des traumatismes qui en ont découlé. J’ai aussi été témoin de la profonde compassion des gens et du vrai sens de la solidarité lorsque j’ai codirigé l’Intervention en santé mentale auprès des personnes touchées par la tragédie qui a frappé les Broncos de Humboldt. De plus, j’ai vu l’extraordinaire compassion offerte aux personnes recevant des soins de fin de vie, dans le cadre des fonctions que j’ai exercées à la direction de l’Hôpital St. Paul’s et de son centre communautaire de soins palliatifs. Enfin, j’ai été témoin d’une véritable motivation et j’ai vu des résultats significatifs dans le cadre des efforts conjoints qui ont abouti à la réconciliACTION.
Je suis une sénatrice déterminée à proposer des mesures législatives qui favorisent le bien-être de tous, l’équité et l’autodétermination des Autochtones, de même que des politiques qui stimulent la croissance économique et l’excellence scientifique.
(1550)
Chers collègues, je suis remplie d’espoir. Je me réjouis à la perspective de poursuivre le travail avec vous tous pour bâtir un Canada où chaque personne dans chaque région et territoire visé par un traité a une véritable possibilité de réussir.
Merci, meegwetch, marsee.
(Sur la motion de la sénatrice LaBoucane-Benson, le débat est ajourné.)
La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Miville-Dechêne, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
L’honorable Wanda Thomas Bernard : Honorables sénateurs, je suis honorée de prendre la parole aujourd’hui sur les terres des Algonquins et des Anishinabes pour appuyer le projet de loi S-205, Loi modifiant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Il traite d’une question cruciale que je continuerai de défendre, car il s’agit d’une des violations des droits fondamentaux les plus graves ayant lieu au Canada de nos jours. Je remercie la sénatrice Pate des efforts inlassables qu’elle a déployés afin de présenter à nouveau le projet de loi.
Les effets durables du temps passé en isolement se font sentir après seulement 48 heures d’isolement. Des conséquences à plus long terme, telles que des dommages psychologiques irréversibles, peuvent survenir après 15 jours d’isolement.
Honorables sénateurs, Tona, dont beaucoup d’entre vous ont déjà entendu parler, a passé 10 ans en isolement. J’ai eu l’occasion de lui rendre visite cet été. Tona a enduré plus que quiconque ne devrait jamais avoir à endurer. Son souhait le plus cher est que personne d’autre ne subisse de dommages durables à sa santé mentale du fait d’avoir été détenu en isolement.
Tona est une femme résiliente, bienveillante et brillante. Il est tout à fait approprié que le projet de loi porte son nom. C’est véritablement son legs. Survivante de la rafle des années 1960, Tona a passé 10 ans en isolement. Réfléchir à ce qu’elle a enduré suscite une profonde colère. Pourtant, Tona elle-même éprouve une profonde gratitude envers la sénatrice Pate pour avoir présenté le projet de loi. Ses expériences ont fait d’elle un symbole de force et d’espoir essentiel.
Au cours de l’étude sur les droits de la personne des personnes purgeant une peine de ressort fédéral, le Comité sénatorial permanent des droits de la personne a formulé 71 recommandations après avoir examiné en profondeur notre système correctionnel. Je vais maintenant souligner deux des recommandations de l’étude qui sont étroitement liées à la loi de Tona. Elles se trouvent à la page 177 du rapport sur l’étude, si certains d’entre vous souhaitent le consulter à nouveau.
La recommandation 33 est :
Que le Service correctionnel du Canada s’assure que les unités d’intervention structurées respectent les plus récentes décisions judiciaires ainsi que les obligations et les engagements du Canada en matière de droit de la personne, notamment :
en éliminant le recours à l’isolement cellulaire;
en tenant compte des besoins et des expériences différentes de groupes particuliers, y compris les personnes LGBTQI2 et les femmes;
en éliminant l’isolement cellulaire se prolongeant sur plus de 15 jours;
en offrant des occasions de contact humain réel et un accès sans interruption aux programmes ainsi qu’un accès 24 h sur 24 aux services de santé et de santé mentale;
en établissant un mécanisme judiciaire de surveillance indépendant pour examiner tous les cas de placement dans une unité d’intervention structurée et des décisions connexes.
La recommandation 34 est :
Que le Service correctionnel du Canada cesse immédiatement le recours à l’isolement, quelle que soit la désignation employée, des jeunes, des femmes et des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale invalidants, et qu’il effectue des évaluations de la santé mentale et mette en place une surveillance judiciaire pour éliminer la surreprésentation dans les unités d’intervention structurées des personnes autochtones, noires ou d’autres origines raciales et de celles ayant des problèmes de santé mentale.
Honorables sénateurs, je vous rappelle que notre comité a présenté des recommandations en 2021. Je vous encourage à revoir les conclusions et les recommandations de l’étude pour comprendre l’importance fondamentale du projet de loi S-205. J’appuie sans réserve ce projet de loi, car je crois que personne ne mérite de subir l’expérience inhumaine de l’isolement, peu importe le nom qu’on donne à cette mesure. Je crois que nous pouvons légiférer afin d’apporter de bonnes solutions de rechange. J’exhorte les sénateurs à adopter ce projet de loi.
Comme l’a dit Tona lorsque je l’ai vue la semaine dernière — je veux que vous entendiez ce qu’elle a dit —, « adoptons ce projet de loi afin que je puisse mourir en paix ».
Merci, asante.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, au nom du sénateur Carignan, le débat est ajourné.)
(1600)
Le Sénat
Motion tendant à ce que tous les comités prennent en considération les influences et impacts de la technologie dans le cadre de toute étude pour le reste de la présente session—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Deacon (Nouvelle-Écosse), appuyée par l’honorable sénateur Downe,
Que, pour le reste de la présente session, tous les comités prennent en considération les influences et impacts de la technologie dans le cadre de toute étude, dont les projets de loi, la teneur de projets de loi, l’étude des budgets des dépenses et les études spéciales, autorisée par le Sénat, les études déjà autorisées mais pas encore terminées y compris.
L’honorable Katherine Hay : Honorables sénateurs, j’ai le plaisir de prendre la parole aujourd’hui pour appuyer sans réserve la motion no 3, présentée par le sénateur Colin Deacon.
Cette motion importante arrive à point nommé. La technologie transforme tous les aspects de la vie au Canada, de notre façon de travailler et d’apprendre à notre façon de gouverner, de soigner et de communiquer les uns avec les autres. Il est essentiel que l’ensemble des comités sénatoriaux accordent une place centrale à la technologie dans toutes leurs études afin d’assurer une gouvernance responsable en cette période de transformation rapide.
Cela signifie qu’il faut non seulement se demander ce que la technologie peut faire, mais aussi qui en bénéficie, qui peut être affecté négativement et comment ces changements renforcent le bien-être et la prospérité de la société dans son ensemble. En d’autres termes, savoir comment la transformation amenée par la technologie est tout aussi important que de savoir ce qui sera transformé.
Cette motion nous demande de reconnaître que le statu quo n’est pas une option. Un second examen objectif ne devrait pas aboutir au statu quo. En outre, aussi complexes que puissent être la technologie et l’innovation — et elles le sont —, ce qui est encore plus vrai, c’est que la technologie évolue rapidement.
Permettez-moi de vous dire que j’ai des doutes quant à la capacité du Sénat à toujours agir rapidement. Cependant, je crois que le Sénat peut évoluer au rythme de la technologie. En fait, nous n’avons pas le choix. Nous sommes engagés dans une course technologique mondiale — au milieu de nombreux marathons — qui réécrit toutes les questions dont le Sénat s’occupe, et le Canada doit prendre les devants, et non rester à la traîne.
Que nous le voulions ou non, la technologie, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique influencent certaines des questions les plus pressantes du monde, depuis les soins de santé jusqu’à l’économie et aux marchés, en passant par la sécurité nationale, l’éducation, la santé mentale, le climat et les personnes, vous et moi.
Les technologies émergentes progressent à une vitesse sans précédent. Les Canadiens s’attendent non seulement à des outils de pointe, mais aussi à l’équité, à la transparence, au contrôle éthique et à des systèmes résistants. Si nous ne tenons pas compte de la technologie dans notre travail, nous perdrons de l’influence, nous passerons à côté de quelque chose que nous ne devrions pas, et nous risquons même de perdre toute pertinence. C’est difficile de changer, mais perdre sa pertinence l’est encore plus.
Laissez-moi vous emmener dans mon ancien monde. J’aimerais bien vous promettre de ne pas en parler à chacune de mes interventions, mais je crains de ne pas y arriver. Quoi qu’il en soit, j’aimerais maintenant vous demander de vous souvenir de deux choses — un nom et une déclaration — sur lesquelles je reviendrai plus tard :
Le nom est Adam Raine, et voici la déclaration :
J’allais essayer de me tuer ce soir quand j’ai demandé de l’aide, et ils m’ont tellement aidé que j’ai l’impression de pouvoir me battre un jour de plus. Et ils m’ont dit que j’étais un battant.
J’adore parler de mon passage dans des endroits où les gens ne savent pas trop pourquoi j’y prends la parole : sur les scènes de festivals de la technologie comme Elevate ou, avant cela, Collision; à Davos et au Forum économique mondial; même à des conférences mondiales sur la santé mentale qui ne tiennent pas nécessairement compte du numérique, comme celles qui se déroulent à Singapour, en Australie ou au Royaume-Uni; puis ici, à la Chambre haute, le Sénat du Canada.
Je donne une autre citation. En fait, il ne s’agit pas réellement d’une citation.
Qu’est-ce qu’un organisme de bienfaisance de services sociaux — peut-être l’organisme de bienfaisance qui inspire le plus confiance au Canada, mais un organisme de bienfaisance de services sociaux quand même — vient faire sur la scène pour nous parler de technologie?
Le voyage dont je vais parler est en rapport avec la motion no 3 ainsi qu’avec la technologie et l’innovation. Je parlerai d’une chose simple : un changement de mentalité, exactement ce que la motion no 3 nous invite tous à faire.
À Jeunesse, J’écoute, l’organisme de bienfaisance de services sociaux que j’ai mentionné et la seule solution de cybersanté mentale disponible 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, d’un bout à l’autre du Canada, ce changement de mentalité a eu lieu il y a sept ou huit ans.
Il reposait sur l’idée que, si l’on sait qui l’on est, on sait où aller : on le voit réellement.
Nous, les membres de la haute direction et du conseil d’administration, tentions de déterminer comment nous allions conserver notre pertinence. Les jeunes changent rapidement, et la technologie encore plus. Nous avons fait quelque chose de très étrange : nous avons mis de côté deux choses qui semblaient évidentes. Nous avons mis de côté le fait que nous étions un organisme de bienfaisance, car c’était une évidence. Nous avons aussi mis de côté le fait que nous nous occupions de la santé mentale des jeunes, car c’était évident avec un nom comme Jeunesse, J’écoute. Nous avons ensuite tenté de déterminer ce que nous devions faire pour la suite, et là ce n’était pas aussi évident.
Cependant, déjà à l’époque, nous comprenions que nous étions un organisme de bienfaisance à vocation technologique, axé sur l’innovation et les données, et dont la mission première était d’offrir aux jeunes un soutien en santé mentale. Il s’agissait d’une simple réorganisation des mots, d’une simple nuance, mais c’était aussi un changement de mentalité. Nous avons changé la manière dont nous nous présentions, et cela a tout changé : la façon dont nous organisions nos services de première ligne, notre mode de fonctionnement, notre vision, notre stratégie et notre image de marque. Nous avons rapidement mis en place l’impératif d’innovation; « impératif » étant ici le mot-clé.
En 2018, nous avons utilisé l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique pour lancer de nouveaux services et de nouvelles technologies. Nous avons créé de nouveaux programmes et des points d’accès d’un océan à l’autre, en mettant l’accent sur l’équité. Nous avons même changé notre façon de faire. Nous ne nous sommes pas contentés de rester sagement assis au coin de la table et de demander la parole. Nous avons pris notre place à cette table et l’avons même présidée à plusieurs reprises.
Aussi intelligents que nous pensions être avec cette nouvelle attitude, ce que nous ne savions pas — nous n’en avions aucune idée —, c’est que nous étions en train de préparer le terrain pour la COVID. Lorsque le Canada et le monde entier se sont confinés, nous avons intensifié nos activités, encore et encore, passant de 1,9 million d’interactions en 2019, soit une augmentation de 30 % par rapport à l’année précédente, à plus de 22,5 millions d’interactions en date d’hier, soit une augmentation de 250 %.
Avec une telle croissance, il faut décider ce à quoi on devra renoncer. Nous avons promis aux jeunes que nous serions là pour eux, alors à quoi pouvions-nous renoncer? À rien. Les technologies, l’intelligence artificielle et l’apprentissage automatique ont joué un rôle essentiel dans notre expansion et nous ont permis de conserver des temps d’attente d’environ trois minutes et demie sur toute période de 24 heures et des scores de qualité supérieurs à 90 %. Jeunesse, J’écoute a évolué au rythme des jeunes et des technologies.
Je vous parle de cette application concrète de l’intelligence artificielle et de l’apprentissage automatique — des technologies et de l’innovation —, car elle a nécessité un choix très clair et délibéré : un changement de mentalité.
Depuis lors, Jeunesse, J’écoute s’est illustrée à maintes reprises dans le secteur de l’innovation technologique, lançant même l’accélérateurJJ’E au festival Elevate en octobre dernier et à Davos en janvier dernier. Pourquoi? Parce que des vies en dépendent.
Revenons à la motion no 3 et à nous tous. Si le Sénat examine la technologie en vase clos, il risque de favoriser des systèmes qui, sans le vouloir, laissent des personnes de côté ou causent du tort. En élargissant explicitement son champ de vision, le Sénat peut contribuer à faire en sorte que le Canada bâtisse une économie qui soit non seulement innovante et compétitive, mais aussi juste et inclusive. Il ne s’agit pas là de questions marginales. Elles sont essentielles pour faire en sorte que les progrès technologiques apportent de réels avantages aux Canadiens.
D’autres administrations l’ont reconnu. Le programme Horizon Europe de l’Union européenne, le Manuel d’Oslo de l’Organisation de coopération et de développement économiques, ou OCDE, et la CHIPS and Science Act aux États-Unis exigent tous que la technologie soit évaluée en tenant compte de ses effets socio‑économiques plus vastes. Le Royaume-Uni et les pays nordiques intègrent également ces dimensions dans leurs stratégies d’innovation, mesurant le succès non seulement à l’aune des brevets et des profits, mais aussi de la santé, de l’équité, de l’inclusion et de la prospérité régionale.
Le Canada ne devrait pas en faire moins. Il ne fait aucun doute que le rythme du changement est implacable. Le Sénat peut soit façonner ce changement, soit se laisser dépasser. La motion no 3 est une mesure simple et structurelle qui vise à prendre en compte la perspective technologique dans tous les travaux des comités. Il ne s’agit pas d’un détail de procédure, mais d’un acte décisif qui permettra aux comités de protéger les Canadiens, de préserver l’équité et de veiller à ce que les politiques publiques soient en phase avec la façon dont les gens vivent, travaillent et se divertissent.
(1610)
Revenons au début : Adam Raine, un Californien de 16 ans qui était un garçon formidable, s’est suicidé en avril 2025 avec l’aide de ChatGPT.
J’allais essayer de me tuer ce soir quand j’ai demandé de l’aide, et ils m’ont tellement aidé que j’ai l’impression de pouvoir me battre un jour de plus. Et ils m’ont dit que j’étais un battant...
Ce commentaire vient d’un utilisateur du service Jeunesse, J’écoute. Quand il a été détecté au moyen d’un outil d’intelligence artificielle, il a été renvoyé à un intervenant humain spécialisé dans les situations de crise.
Au Canada, le statu quo n’est pas une option. Il y a trop d’Adam qui nous demandent, nous supplient, de faire en sorte que la technologie soit au service du bien dans le cadre de tous nos travaux. Le temps presse. L’innovation et les technologies basées sur les données peuvent réellement sauver des vies.
Nous devons nous demander, dans chaque comité et au cours de chaque étude, quel est l’impact de la technologie — de l’IA, de l’apprentissage automatique — sur ce dossier au Canada. La motion no 3 entraîne un changement de mentalité qui peut tout changer.
Merci, chers collègues. Meegwetch.
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Deacon, aimeriez-vous poser une question?
L’honorable Colin Deacon : Si la sénatrice Hay le veut bien.
La sénatrice Hay : Oui.
Le sénateur C. Deacon : Merci, monsieur le Président intérimaire. Je suis ravi de vous voir au fauteuil.
Je me sens très honoré par votre discours, car vous avez exprimé un point de vue très important sur la motion no 3 et son objet. Je vous en remercie. Vous m’avez en quelque sorte époustouflé avec votre exposé fort convaincant.
J’aimerais simplement poser une question bien précise au sujet des collectivités rurales, éloignées et marginalisées. Nous associons souvent la technologie aux collectivités urbaines, mais les possibilités et les besoins à l’extérieur de nos centres urbains sont énormes. Auriez-vous un avis à nous donner — je suis sûr que oui, puisque vous avez parlé des services offerts d’un océan à l’autre — pour nous aider à comprendre les besoins ou les enjeux dont il faut tenir compte en ce qui concerne les collectivités de l’extérieur des centres urbains? Merci.
La sénatrice Hay : Je vous remercie de votre question, sénateur Deacon. J’ai promis de ne pas constamment parler de mon ancienne vie, mais je vais me le permettre dans ce cas-ci. Il n’y a pas d’égalité au Canada pour les collectivités rurales et éloignées en ce qui concerne la santé, la santé mentale et bien d’autres choses. Cela ne fait aucun doute. Donc, je sais que, selon les vastes données recueillies par Jeunesse, J'écoute — qui possède la banque de données la plus vaste, la plus importante, la plus unique, la plus à jour et la mieux définie sur les plans de la géographie et de la langue — 40 % de toutes les statistiques dont je parle ont trait aux populations rurales du Canada, parce que les services n’y sont pas accessibles à proximité comme c’est le cas pour les régions urbaines.
C’est la technologie qui permet aux populations rurales et éloignées d’avoir accès aux services et aux programmes auxquels elles n’auraient pas accès autrement. Par exemple, le programme Intervenant·e dans la classe est facile à intégrer dans le programme pédagogique des enseignants au moyen de vidéos avec un éducateur dans une salle de classe. Il pourrait peut-être être offert dans une région éloignée, mais cela semblerait de nature très transactionnelle. Ainsi, une technologie comme la réalité virtuelle ouvre les horizons pour les régions éloignées ayant la capacité d’utiliser les outils technologiques et l’intelligence artificielle.
Donc, si votre question vise à savoir si les régions rurales et éloignées du Canada en retireront des avantages, la réponse est oui, absolument. Dans le cadre de mon travail, je ne compte plus les fois où il a été démontré que, en ce qui concerne les nouveaux programmes et les nouveaux points d’accès, les programmes adaptés et créés — je ne dirais même pas créés conjointement — par les collectivités à qui ils sont destinés sont non seulement efficaces, mais ils changent complètement la donne et transforment des vies. Cela ne serait pas possible sans la technologie.
L’honorable Tony Ince : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour appuyer la motion no 3, qui vise à examiner notre travail sous l’angle de la technologie.
Je trouve un peu étrange que ma première intervention au sujet d’une motion commence par une confession. Je manque cruellement de connaissances sur le sujet. L’autrice-compositrice-interprète Alanis Morissette, qui est originaire d’Ottawa, pourrait qualifier cette situation d’ironique. En outre, le fait de faire une référence à la culture populaire vieille de 30 ans explique ma situation.
Est-il arrogant de ma part de prendre la parole dans cette Chambre historique pour parler d’un sujet que je connais très peu? Eh bien, je suppose que ce n’est probablement pas la première fois.
Toutefois, ce n’est pas de l’arrogance, mais de l’humilité. Depuis que je suis devenu un membre privilégié de cette auguste assemblée, il y a peu de temps, j’ai remarqué que la plupart de nos mesures visent à corriger des erreurs et des lacunes. La motion no 3 n’est pas différente, sauf que nous sommes responsables de la présence des éventuelles erreurs et lacunes en question.
La motion no 3 nous incite à nous regarder dans le miroir et à nous poser la question suivante : en ce qui concerne la technologie, avons-nous fait preuve de suffisamment d’humilité dans nos découvertes? Nos délibérations comportent-elles des lacunes imprévues? Pouvons-nous être sûrs de nos décisions? En tant qu’homme d’un certain âge, mon miroir est d’une franchise brutale. Il me dit également que je n’en sais pas suffisamment sur la technologie et que je ne sais même pas ce que je ne sais pas. Mon miroir est sans pitié.
Cependant, je sais une chose sur la technologie : de nombreux Canadiens, des Canadiens avisés, seraient heureux de nous l’expliquer si nous le leur demandions. Nous devons le leur demander. Nous devrions demander des explications plus souvent.
L’autre chose que je sais à propos de la technologie, c’est qu’elle n’a pas juste de mauvais côtés. Nous assistons actuellement à des avancées importantes dans le domaine de l’intelligence artificielle, ce qui améliore la productivité au travail. La technologie permet des avancées en médecine et dans tous les domaines de la science à un rythme jamais imaginé auparavant. De même, nous sommes à deux doigts de possibilités insoupçonnées.
Cependant, les mêmes outils qui sont utilisés à bon escient sont exploités par de mauvaises personnes : des prédateurs et des adversaires. Lors d’une discussion en juin, un groupe d’experts en sécurité nationale a décrit le Canada comme évoluant dans un environnement de polycrise. Plus précisément, quatre types de menaces se chevauchent : les menaces climatiques, géopolitiques, sociales et technologiques.
Pour revenir à la chanson que j’ai mentionnée plus tôt, je remercie Mme Morissette et son coauteur, Glen Ballard, qui ont inspiré cette discussion sur l’ironie. Certains d’entre vous se souviennent peut-être des nombreux débats qui ont suivi la sortie de cette chanson.
(1620)
Des définitions des dictionnaires ont été partagées et disséquées. Les gens ont débattu de l’ironie situationnelle par rapport à l’ironie dramatique. Cela a réchauffé le cœur de tous les éducateurs. Même quelques parodies ont suivi. Le site Web humoristique CollegeHumor a souligné qu’il serait ironique qu’il pleuve le jour de votre mariage si vous épousiez Râ, le dieu égyptien du soleil.
Le chaos que Mme Morrisette et M. Ballard ont involontairement provoqué m’a aidé à passer à mon dernier point. Je ne suis pas le seul à ne pas comprendre les répercussions complexes et sinueuses de la technologie. Je sais que d’autres sénateurs sont dans la même situation, tout comme des millions de gens au Canada. Si la motion présentée par mon collègue est adoptée, les experts qui nous enseigneront leur enseigneront à eux également.
Nous ne pouvons oublier que le Parlement du Canada est lui-même une plateforme technologique. Le fait d’examiner notre travail d’un point de vue technologique deviendrait naturellement un outil pédagogique. Le partage de leçons cruciales avec nos concitoyens canadiens nous permettra de suivre ensemble cette courbe d’apprentissage abrupte et urgente. N’est-ce pas ironique? Ou peut-être pas?
Merci.
L’honorable Paulette Senior : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui sur le territoire non cédé de la grande nation algonquine anishinabe.
À mon tour, je suis heureuse — et je suis convaincue qu’il y a une certaine ironie là-dedans — d’avoir l’occasion, en ce premier jour de notre rentrée, d’exprimer mon appui à l’égard de la motion no 3, qui demande aux comités sénatoriaux de prendre en considération les influences et impacts de la technologie dans toutes les études qu’ils entreprennent.
Je remercie notre collègue, le sénateur Deacon, d’avoir présenté cette motion. Sénateur Deacon, j’ai aimé de nombreux points que vous avez soulevés dans votre discours de juin ainsi que vos idées sur la façon dont cette motion pourrait être mise en œuvre de manière efficace et pratique dans le cadre de nos responsabilités de sénateurs au sein des comités.
Il ne fait aucun doute que le rythme des progrès technologiques et de la croissance dépasse la conscience et la connaissance qu’ont les Canadiens de la situation dans laquelle nous nous trouvons, et les législateurs n’y font pas exception. En tant que législateurs, nous devons nous demander comment nous suivons les progrès technologiques dans le cadre de notre travail.
Prenons l’exemple de la réalité technologique de l’intelligence artificielle, qui touche tous les aspects de notre vie, que nous en soyons conscients ou pas.
Je pense qu’il est important de comprendre à quel point l’intelligence artificielle a des répercussions sur les questions particulières que nous abordons au Sénat. Comment l’intelligence artificielle est-elle utilisée pour appuyer, promouvoir ou peut-être entraver le travail effectué dans différents domaines comme la santé, la finance, les prestations sociales et d’autres grands domaines sur lesquels les Canadiens comptent? Quelles sont les répercussions de l’intelligence artificielle sur les systèmes et les structures en place pour aider les Canadiens, et que pouvons-nous faire pour que cela soit plus transparent? Ce sont là certaines des questions qu’un comité peut poser et prendre en considération dans toutes ses délibérations.
Une autre raison pour laquelle j’appuie cette motion, c’est qu’elle nous aidera à nous concentrer sur la question de l’intersection de la technologie et de l’équité. Je pense qu’il s’agit d’une question importante, et c’est quelque chose que j’ai examiné et étudié dans mon travail au cours des dernières années.
En ce qui concerne l’intelligence artificielle, son développement suscite depuis longtemps des inquiétudes, en particulier en raison de pratiques discriminatoires liées à l’exploitation d’informations discriminatoires. Plusieurs groupes, notamment les femmes, les Noirs, les Autochtones et les personnes racisées, ont été particulièrement ciblés et lésés par des cas de mésinformation, de sexisme et de racisme. Les outils créés à l’aide de l’intelligence artificielle dans l’intérêt public n’iront dans le sens du progrès que si leur développement inclut les personnes les plus à risque.
Avec la perspective technologique que la motion no 3 encourage les comités à adopter, les questions liées au développement de l’intelligence artificielle devraient être au cœur de nos préoccupations dans le cadre de notre travail. Les sénateurs sont invités à poser des questions et à se familiariser avec les technologies et l’équité.
Nous pouvons nous appuyer sur notre compréhension de l’utilisation que font les jeunes de la technologie et de l’impact que cela a sur leur santé mentale. Nous pouvons examiner comment les femmes sont touchées, en particulier celles qui sont présentes en ligne, notamment les journalistes et les politiciennes. Trop souvent, la technologie est utilisée de manière odieuse à l’encontre des femmes, principalement pour les réduire au silence et les discréditer. Pourtant, l’intelligence artificielle est un outil extrêmement puissant, capable de soutenir une transformation massive et de nous aider à mieux comprendre les problèmes complexes actuels et à trouver des solutions potentielles qui n’avaient pas encore été envisagées.
Tandis que nous menons nos travaux au sein des divers comités et que nous commencerons à appliquer une optique technologique aux études et aux projets de loi complexes dont nous sommes saisis, j’imagine que beaucoup de choses qui seraient autrement restées cachées seront mises en lumière. Ces révélations nous permettront de mieux comprendre les avancées technologiques et les besoins, et de parfaire nos connaissances et notre compréhension des incidences technologiques de certaines orientations politiques. Essentiellement, chers collègues, si nous ne posons pas de questions, nous ne pouvons pas connaître les réponses, et en cette période de changements technologiques majeurs, nous ne pouvons pas nous permettre de faire l’autruche.
Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi et à appuyer cette motion. Tâchons de faire en sorte que le Sénat du Canada soit un pionnier en matière d’intégration de la technologie dans le travail des législateurs, de manière inclusive et délibérée.
Merci, meegwetch.
L’honorable Colin Deacon : Acceptez-vous de répondre à une question, sénatrice Senior?
La sénatrice Senior : Oui. Merci.
Le sénateur C. Deacon : Le point que vous avez soulevé est fort important, car bon nombre des logiciels que nous utilisons aujourd’hui, logiciels qui sont intégrés à quantité d’applications que nous utilisons, ont été mis au point par de jeunes hommes blancs qui ont une certaine vision du monde. Cela a grandement exacerbé des problèmes chroniques au sein de la société et témoigne d’une vision très étroite de la façon de mettre en œuvre un programme — ce qui fonctionne pour les gens, etc.
Plus tôt cet été, la sénatrice Mohamed a organisé une réunion avec Dais à l’Université métropolitaine de Toronto, ou UMT. On nous dit que de nombreux Canadiens ne font pas confiance à l’intelligence artificielle, mais je serais ravi de rencontrer un seul Canadien qui ne l’utilise pas plusieurs fois par jour.
Savez-vous où on effectue les meilleures recherches, ou savez-vous où nous pourrions chercher des données de recherche sur les aspects complexes dont vous avez parlé avec tant d’éloquence dans votre discours? On trouve peut-être cela à l’UMT.
La sénatrice Senior : Je vous remercie de votre question. C’est peut-être à l’UMT. Cependant, en tant que membre du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, je peux dire que quelques-uns d’entre nous ont visité des instituts créés par le gouvernement fédéral pour développer les capacités du Canada en intelligence artificielle. J’ai pu en visiter deux, dont l’Institut Vecteur la semaine dernière, à Toronto, où nous avons découvert les progrès réalisés, notamment dans le domaine des soins de santé, pour obtenir des renseignements plus fiables et utiles sur le plan démographique, ainsi que sur l’efficacité de divers traitements sur des groupes donnés.
J’ai trouvé cela particulièrement encourageant. C’est ce que je considère comme une « utilisation de technologies ou d’intelligence artificielle au service du bien commun ». Ce vendredi, certains d’entre nous se rendront à Montréal pour en apprendre davantage auprès de l’institut qui s’y trouve. Voilà mon parcours, moi qui, à la base, possède très peu de connaissances techniques.
(Sur la motion de la sénatrice Martin, le débat est ajourné.)
(À 16 h 31, le Sénat s’ajourne jusqu’à 14 heures demain.)